Le télétravail va-t-il se retourner contre les seniors ?

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Quand un senior est licencié, il retrouve un emploi plus difficilement qu’un salarié trentenaire ou quadragénaire, même en consentant un rabais sur son salaire. Aussi, un employé ayant dépassé 50 ans hésite à avouer qu’il rencontre un problème dans son travail, de peur que la direction, si elle cherche à alléger ses effectifs, ne le fasse monter dans la charrette.

Or, le télétravail, qui est devenu la norme en 2020, implique un grand nombre de changements et une forme d’organisation différente de celle en vigueur quand tous les salariés sont présents dans l’entreprise. De plus, le télétravail est basé sur l’utilisation des nouvelles techniques de communication comme la visioconférence. Or, certains seniors sont moins à l’aise avec ces outils que leurs confrères plus jeunes car ils ne les ont pas connus pendant leur formation. Ils sont, en outre, victimes des préjugés et des stéréotypes associés à leur âge. Pourtant, toutes les études montrent que les salariés les plus âgés, une fois qu’ils ont été correctement formés, s’approprient ces nouveaux outils et sont aussi efficaces que les salariés moins âgés.

Les seniors peuvent s’adapter, intégrer les nouveaux modes de travail, cerner leurs manquements et rebondir grâce à leur expérience, leurs réseaux de travail, leur connaissance des personnes et de l’entreprise. Après le confinement, les experts ont noté que les salariés les plus expérimentés et les plus âgés ont été les moins perturbés par l’irruption du télétravail lorsqu’ils maîtrisent celui-ci. Néanmoins, les changements permanents d’organisation peuvent être lourds à supporter pour les seniors contraints de s’adapter constamment. Ce qui est plus usant pour un salarié qui a dépassé la cinquantaine que pour une jeune recrue plus souple.

La formation est donc la clé pour éviter la souffrance des seniors générée par le télétravail, mais cela coûte cher et l'entreprise peut rechigner à dépenser pour des salariés qui vont partir en retraite dans moins d’une dizaine d’années. Les patrons risquent de licencier les salariés âgés, qui sont les plus coûteux en prétextant une trop grande inadaptabilité aux nouveaux outils. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Certains experts redoutent donc un tsunami de chômage qui impactera les cadres seniors ainsi que leurs familles. Ils appréhendent un désastre social dans six ou huit mois, d’autant plus que cette politique d’exclusion des seniors, pour une prétendue inefficacité technique, aura des effets négatifs pour l’entreprise qui se séparera de cadres expérimentés. Ceux-ci font, en effet, preuve de plus de sagesse, de plus de recul et ont un niveau d’engagement supérieur à leurs confrères plus jeunes.

Heureusement, le pire n’est jamais sûr. Si l’épidémie recule, le télétravail fera de même et on reviendra à une organisation plus classique. Depuis un an, le télétravail a montré ses limites. Les réunions par visioconférence ne sont pas aussi productives que les réunions en face-à-face ; rien ne remplace les échanges autour de la machine à café. Cependant, dans quelques années, quand le Covid-19 appartiendra au passé, le télétravail gardera sans doute une plus grande place qu’il n’avait en 2019.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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