Laurent de Saulieu : « Dans le contexte actuel, les chauffeurs routiers peuvent se démoraliser très vite… »

Laurent Saulieu

Laurent de Saulieu est directeur de la rédaction du journal Les Routiers. Il tire la sonnette d'alarme sur les conditions de traitement des routiers et répond aux questions de Boulevard Voltaire.

Vous parlez de routiers déconsidérés, « souvent traités comme des pestiférés » dans leurs entreprises (en l’espèce, surtout dans les entreprises qu’ils livrent): comment expliquez- vous cette attitude ?

Le métier de chauffeur routier n’est pas des plus simples : pour y accéder, le candidat doit passer un minimum d’examens pour être apte (il y a beaucoup de candidats et peu réussissent), suivre ensuite une formation qui peut être longue, ce qui signifie qu’il doit repasser le code, le permis poids lourd (EC), une formation sur la sensibilisation à la sécurité routière appelée FIMO (pour formation initiale minimum obligatoire) et, cinq ans plus tard, une FCO (formation continue obligatoire), une piqûre de rappel sur les règles de sécurité… On leur demande, par ailleurs, de l’expérience… Bref, le conducteur de camion ou de car devient hyper qualifié et encore aujourd’hui, en moyenne, il touche un maigre salaire mensuel (un peu plus que le SMIC), dont les primes et les frais de déplacement constituent le gros du complément salarial… C’est également un métier difficile : pour les transports longue distance, c’est levé tôt, départ souvent le dimanche, retour le samedi… Des conditions de travail difficiles, donc. Ils ne voient pas, non plus, beaucoup leur famille. Leur camion est, en quelque sorte, leur maison.

Ensuite, ils s’aperçoivent qu’il n’y a plus du tout de solidarité comme du temps de leurs aînés : l’ouverture de l’Union européenne à dix États de l’Est a tout chamboulé et pour eux et pour leur patron. Et on voit bien qu’il est impossible, pour ces États, de faire respecter la réglementation sur les temps de conduite et de repos comme chez nous parce que les autorités respectives jugent cela disproportionné et que le temps est venu, selon elles, de « libérer » et non de « contrôler » ou de « réguler »... Nous avons été témoins, toutes ces années, de scandales soulevés par la suite par certains de nos élus qui ont pris conscience de la trop grande différence entre les salaires de « l’Ouest » et de ceux de « l’Est ». Pour info, ça continue. De plus, sur les parkings, impossible de communiquer ! C’est un détail qui horripile les chauffeurs routiers français…

Vis-à-vis du grand public, ils sont montrés du doigt comme dangereux, bruyants, pollueurs… Tout ceci est absolument faux, on peut en parler quand vous voulez ! Mais c’est attisé par les politiques avec leur hystérie contre le diesel. Là aussi, on en parle quand vous voulez !

Face à la fermeture des stations, des WC, des points de ravitaillement… comment s’adaptent-ils ? Que risque-t-il de se passer si rien ne change ?

Ils le vivent très mal actuellement parce que leurs restaurants routiers préférés et habituels, dont ceux de la Chaîne des Relais routiers, du groupe Les Routiers, sont fermés… Dans le contexte actuel où l’État exige que les transports de marchandises assurent l’approvisionnement en médicaments, matériel divers urgent et alimentation, en temps et en heure, les chauffeurs routiers peuvent se démoraliser très vite… Ils conduisent, en moyenne, neuf heures par jour entrecoupées de pauses. Ces pauses sont une absolue nécessité, nous pensons qu’il est vital pour eux de se détendre… Dans le cas contraire ils tomberont malade… Sans se laver et prendre un repas chaud, sans pouvoir aller aux toilettes, convenez que ce n’est pas normal ! La situation est déjà très tendue, les entreprises de transport ne trouvant pas de conducteurs qualifiés.

Outre la situation de crise sanitaire actuelle, pouvez-vous nous parler des difficultés qu’ils rencontrent quotidiennement ? Beaucoup de préjugés circulent sur leur profession… Qui sont ces hommes aujourd’hui considérés comme des héros par la FNTR ?

Oui, ce sont des héros, ce sont eux qui assurent le bon acheminement des marchandises nécessaires aujourd’hui, parce que le transport routier de marchandises a toujours été le « stock roulant » des entreprises, des fabricants qui ont adopté depuis des années le « zéro pièce », en travaillant toujours en « flux tendu »… Comme il n’y a jamais de stocks, on leur demande aujourd’hui de redoubler d’efforts (je parle des transporteurs), cela a des conséquences sur le travail des conducteurs, forcément, car il y a une pression encore plus importante… Ne pas considérer ce travail est une faute selon nous, et donc à l’État, à la profession tout entière de faire en sorte que ces transports se déroulent dans de bonnes conditions. C’est urgent.

Laurent de Saulieu
Laurent de Saulieu
Directeur de la rédaction du journal Les Routiers

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