L’affaire du drone américain percuté par un avion russe sonne comme un avertissement

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Il s’agirait du premier affrontement militaire direct entre la Russie et les États-Unis depuis le début de la guerre en Ukraine. Mardi dernier, d’après les informations communiquées par les autorités militaires américaines, l’aviation russe aurait volontairement percuté un de ses drones de surveillance Reaper au-dessus de la mer Noire après l’avoir aspergé d’essence pour endommager ses capteurs et ses caméras.

« Notre drone MQ-9 effectuait des opérations de routine dans l'espace aérien international quand il a été intercepté et percuté par un avion russe, entraînant le crash et la perte du MQ-9 », a déclaré le général James Hecker, commandant des forces armées américaines en Europe et en Afrique. « Cet incident fait suite à un schéma d'actions dangereuses de la part de pilotes russes », a-t-il ajouté, indiquant que ces « actions agressives » pourraient conduire « à des erreurs de calcul et à une escalade involontaire ».

À Washington, John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a dénoncé un acte « irréfléchi », « non professionnel » et « dangereux », tout en précisant que des « interceptions » similaires avaient déjà eu lieu au cours des dernières semaines, mais sans aboutir à la destruction d’un appareil.

Dans un communiqué publié mardi soir, le ministère de la Défense russe a contesté cette version et affirmé que ses avions n’étaient« pas entrés en contact » avec le drone qui, selon Moscou, volait « transpondeurs éteints » et avait chuté « à la suite de manœuvres brusques ». Par ailleurs, toujours d’après le ministère russe, l’appareil américain avait violé « une zone de régime temporaire d’utilisation de l’espace aérien » fixée par la Russie dans le cadre de son « opération militaire spéciale ».

Si, de son côté, l’ambassadeur russe à Washington déclarait que la Russie ne cherchait pas la confrontation, il précisait néanmoins que les actions de l’armée américaine menées à proximité des frontières de la Russie étaient à la fois « inacceptables » et « préoccupantes ». « Nous connaissons bien les missions pour lesquelles ces drones de reconnaissance et de frappe sont utilisés. […] Que font-ils à des milliers de kilomètres des États-Unis ? La réponse est évidente - ils recueillent des renseignements qui sont ensuite utilisés par le régime de Kiev pour attaquer nos forces armées et notre territoire », affirmait-il.

De fait, depuis le début du conflit, les Occidentaux fournissent aux Ukrainiens une aide qui va bien au-delà de la simple livraison d’armes. Sur le seul aspect de l’espionnage, le New York Times, en mai et septembre 2022, avait détaillé le rôle joué par les services de renseignement américains pour cibler les forces russes, planifier la contre-offensive ukrainienne et aider à tuer des généraux russes.

Dans cette affaire de drone, de nombreux commentateurs ont néanmoins pris le parti de relativiser. Le journal le Monde considère qu’actuellement, les deux parties « jouent la désescalade » et Libération plaide la thèse d’un « acte non intentionnel » sur la base de la « réaction plutôt mesurée de la partie américaine ». Peut-être ne faut-il pas affoler les opinions publiques avec des perspectives d’escalades incontrôlées ?

On rappellera, cependant, que la version américaine indique que les avions russes ont projeté du carburant sur le drone après avoir tourné autour de lui à plusieurs reprises. Était-ce également « non intentionnel » ? Aux États-Unis, la presse a ajouté que cet incident avait « stupéfié » les militaires américains qui avaient visionné la vidéo transmise par le Reaper à la base aérienne de Ramstein, en Allemagne. La séquence n’avait donc, semble-t-il, rien d’anodin.

Un expert français interrogé par Libération note qu’« avec la crise actuelle, on a une augmentation du nombre de vecteurs de reconnaissance vers la Crimée, avec du Reaper, que l’on n’avait pas avant ». Ce qui, d’après lui, contribuerait à « énerver les Russes ».

La piste d’une augmentation de la fébrilité russe s’accompagnant d’une attitude plus agressive du fait d’une intensification des activités d’espionnage dans le secteur de la Crimée est intéressante. Il faut, en effet, se souvenir des débats au sein de l’administration Biden, évoqués par le New York Times en janvier dernier, à propos de la pertinence de donner à Kiev les moyens de frapper en profondeur la péninsule.

Peut-être était-il temps, malgré les craintes d’une escalade, de franchir le pas en s'attaquant au sanctuaire russe et à ses nombreuses bases militaires ? « Les responsables ukrainiens craignent que leur pays ne puisse survivre à des années d'un conflit plongé dans une impasse alors que la Russie continue de pilonner des villes et des villages. Ils ne voient donc pas d'autre choix que de cibler la Crimée et de la mettre en danger », déclarait, à l’époque, un haut responsable américain cité par le journal, qui ajoutait qu’une « réunion de planification de haut niveau en Allemagne » devait avoir lieu prochainement entre les commandements américain et ukrainien.

Preuve s’il en fallait du fait que Washington intervient directement dans la planification stratégique de l’armée ukrainienne. Du point de vue russe, la réalité n'est même plus celle de la cobelligérance mais celle d'une guerre américaine menée par procuration. Si bien que plus le conflit se prolonge, plus le risque d'une confrontation directe augmente. Nous aurions donc tort de ne pas prendre au sérieux cette affaire de drone. Elle sonne comme un avertissement.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Les NOTAM d’exclusion émis par la Russie concernant cette zone de guerre, sont des procédures internationales d’aviation que tous doivent suivre sauf les belligérants évidemment.
    « L’empire du mensonge » porte bien son nom une fois de plus. Soit ils reconnaissent ces NOTAM et n’ont rien à faire là, soit ils font semblant de ne pas les voir et alors c’est l’extinction du transpondeur qui viole les règles d’aviation.
    Dans les deux cas ils sont en infraction.

    La procédure « non professionnelle » est en fait parfaitement calculée et très maligne. Elle utilise la Post Combustion pour mettre à feu l’air chargé en carburant pour faire un choc brisant au dessus du Drone. Les F111 qui ont les « vide vite » entre les deux réacteurs se servent de la même technique en show aérien pour déclencher une déflagration et une énorme flamme spectaculaire.

  2. OTAN = 70 millions de morts depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cette petite phrase résume à elle seule
    l’ignoble stratégie américaine pour assurer l’impérialisme des États-Unis et son roi dollar. Seulement voilà, à force
    d’en vouloir trop, les centres d’intérêts géostratégiques ont évolué. Ce qui était impensable hier, la Chine l’a fait:
    le rapprochement Arabie Saoudite – Iran (Iran, ennemi juré des Américains), ce rapprochement devient réalité en
    rend furieux le sénile Biden (et mon pétro-dollar alors…?). Avec leur politique agressive, les États-Unis ont réussi
    le tour de force de se mettre à dos la Russie, la Chine et les pays du Golfe qui veulent s’émanciper de la tutelle
    américaine (sans compter l’Afrique en général et d’autres pays du monde où la CIA avait orchestré des coups
    d’état pour mettre en place des laquais serviles). Cette affaire de drone montée en épingle par les Américains
    cache en réalité la peur de voir les États Unis anéantis en moins de 15 minutes: 4 missiles Satan 2, missiles
    hypersoniques impossible à intercepter, suffiraient. Si on ajoute à ça la Corée du Nord qui s’octroie le droit
    aux tirs de missiles nucléaires à titre préventif, les yankees ne sont pas sortis de l’auberge. Ironie du sort: ce sont
    les Ukrainiens qui ont fourni aux Nord Coréens la technologie nécessaire pour les propulseurs de leurs missiles
    stratégiques.

  3. ça me rappelle l’histoire des sou marins US qui essayaient d’éperonner les submersibles soviétiques pendant la guerre froide

  4. « L’affaire du drone américain percuté par un avion russe …  » titre boulevard Voltaire. « Percuté » ? Vous êtes sûr ? Car cette version US est contestée par le ministère russe de la Défense qui déclare que « ses avions n’étaient pas entrés en contact avec le drone ». Un peu de prudence ne nuit pas …

  5. nos chers « alliés » qui en profitent pour mettre à genou l’Europe et en particulier la France. Et nous continuons à participer à ce désastre au détriment de nos intérêts vitaux. Merci macron !!
    Et ça y est , l’Australie vient de commander les 5 sous marins à propulsion nucléaire aux USA (nos « alliés » laissez moi rire) après avoir annuler le contrat passé avec la France !!
    Merci encore macron

    • La France était un pays où il faisait bon vivre, indépendante avec son nucléaire, sa sidérurgie, son industrie, sa gastronomie, mode, vins, parfums…je m’arrête là…et des Amis russes avec qui nous entretenions de bonnes relations commerciales et… de coeur. Que sommes nous devenus? Ce n’est pas le roi qui est nu mais nous. Et nous sommes devenus en plus de cela, la risée du monde entier. Merci qui?…

  6. A l’évidence ce sont les américains qui pilotent la guerre à distance un scandale ! Les intérêts des Biden sans parler des entreprises américaines qui ont acheté à priori un tiers des terres agricoles causent la mort de milliers de personnes mais cela ne semble choquer personne ! Il faudrait que les français et les européens ouvrent les yeux et leur cerveau aussi. Un comble pendant le tournoi de tennis d’Indian Wells en Californie au dessus de l’écran géant devinez ce qui flotte ? La bannière étoilée comme partout certes et …le drapeau ukrainien incroyable non !!

  7. Un avions russe aurait « percuté » ce drone ! ! ! J’ai du mal à le croire car ce pilote aurait mis sa vie en danger avec un crash très probable ! Ce n’est pas un tank, un avion, bon sang ! ! ! Le drone U.S. devait compter, espionner, les navires russes en mer noire, c’est mieux de le dire ainsi !

  8.  »Tant va la cruche a l’eau qu’a la fin elle se casse  » . Ca s’appelle aussi  »jouer avec le feu » mais un jeu dangereux

  9. Si nous voulons sortir de ce conflit sans guerre, il faut absolument arrêter d’envoyer armes, matériel et argent à l’Ukraine. N’en déplaise aux US, à la Pologne et autres pays « amis » de l’Ukraine. Après le communisme et le nazisme ont-ils envie d’être envahis par…les « cow-boy »? La Russie n’est plus l’URSS.

  10. Une fois de plus , si le monde en est là c’est à cause des américains ! Pourquoi toutes ces sanctions contre la Russie ? c’est totalement débile ! et toute l’europe se laisse mener bêtement par les américains .

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