La Russie, l’Ukraine et nous

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Lorsque Donald Trump a été élu, j’ai vraiment pensé que les relations entre la Russie et ce qu’il convient encore d’appeler l’Occident allaient s’apaiser. Il n’en a rien été et ce n’est pas mieux avec son successeur. Ainsi, mardi dernier, Biden a menacé Poutine de « fortes sanctions » en cas d'escalade en Ukraine.

Ce sont les affaires ukrainiennes qui ont été le prétexte, il y a près de huit ans, de cette nouvelle mini-guerre froide que nous connaissons. Petit rappel historique.

Depuis plus de trois siècles, l'Ukraine était russe avant de devenir soviétique, et elle n'est indépendante que depuis trente ans.

Environ 20 % de la population ukrainienne est russophone et descend directement des populations dont la Russie, depuis au moins 300 ans, a favorisé le déplacement (quand elle ne l'a pas imposé) pour coloniser ces régions ; surtout l'est et le sud.

La Crimée, très majoritairement peuplée de Russes, n’était rattachée à l’Ukraine que parce qu’y passait l’unique voie d’accès terrestre. Ce n’est plus le cas ; un pont de presque 20 kilomètres relie la presqu’île de Kertch à la Russie depuis peu. Pendant longtemps, cette subordination de la Crimée à l’Ukraine n’était d’ailleurs qu’un détail administratif sans importance aux yeux des premiers secrétaires successifs du PC soviétique. Cette péninsule abrite l'unique base navale russe sur la mer Noire (Sébastopol), donc, au-delà, « sur » la Méditerranée. Imaginer que les Russes allaient accepter que cette région puisse leur échapper était déraisonnable. Pour des raisons stratégiques, ils s'en sont assuré le contrôle en faisant remarquer que la population était très majoritairement d'accord, ce qui s’est révélé exact lors du référendum qui a suivi.

Les Occidentaux, Français en tête, si prompts à avancer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, auraient dû en accepter les résultats et se faire une raison. L’annexion n’était pas illégitime.

La frange orientale de l’Ukraine est, elle aussi, peuplée majoritairement de Russes. Que des velléités de rattachement à la Russie, ou au minimum d’autonomie, se manifestent n’est pas surprenant.

Ajoutons à cela que l’on n’empêchera pas les Russes de regretter la puissance de l’Empire soviétique, même s’ils lui ont idéologiquement tourné le dos. Pour eux, voir arriver les « frontières » de l’OTAN dans leur environnement immédiat est déjà une chose dure à accepter. N’exagérons pas. Il n’y a pas actuellement de menace militaire russe sur l’Occident, protégé par l’OTAN au sein de laquelle la seule puissance militaire américaine est largement supérieure et suffisamment dissuasive.

Quelle doit être notre attitude concernant les tensions actuelles ? Ce conflit est marginal pour nous ; nous ne sommes pas menacés. Il ne mérite qu’une attention distante. Il n’y a pas d’implication de l’OTAN, alliance strictement défensive, puisque l’Ukraine n’en fait heureusement pas partie.

Biden menace la Russie de sanctions économiques. Laissons le faire ; seul. Ne nous y joignons pas. Quand on voit l’efficacité de celles déjà en œuvre (préjudiciables aux deux parties), il n’y a pas de quoi être optimiste sur leurs effets. Si, d’aventure, il voulait aller plus loin, c’est son affaire et je ne vois pas ce qui nous obligerait à le suivre.

Il est urgent de rétablir des relations normales avec la Russie et de cesser ces représailles économiques qui l'affaiblissent et nous affaiblissent aussi. C’est « perdant-perdant » ! Si survenait une grave crise économique russe, cela rappellerait ce qui s'est passé en Allemagne au moment de la grande crise d'entre-deux-guerres. Veut-on voir resurgir là aussi un régime dictatorial dur qui nous ferait regretter Poutine ? Alors l'Occident ferait bien de calmer le jeu, de se contenter très diplomatiquement d'un accord russo-ukrainien a minima qui donnerait l'autonomie aux régions orientales de l'Ukraine, ce qui ne serait pas scandaleux car elles sont peuplées de Russes pour l'essentiel et ne souhaitent pas la mainmise de Kiev sur elles.

Devant les périls qui menacent l’Occident, dont la Russie fait partie maintenant, une fois de plus, je regrette cet antagonisme.

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