La réforme du lycée a-t-elle eu la peau des maths ?

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Avant la réforme mise en place par M. Blanquer, la filière S (51 % des lycéens de terminale en 2019) était la filière reine. Elle était censée ouvrir toutes les portes ; combien de parents ont obligé leurs enfants à la prendre, surtout si leur progéniture n’avait pas encore arrêté son choix pour le post-bac ? Les terminales S avaient toutes six heures de maths, auxquelles une partie d’entre elles ajoutait deux heures de spécialité. En 2019, la deuxième filière en nombre d’étudiants était la filière ES économique et sociale (34 % des terminales) avec trois heures de maths pour tous et une spécialité de deux heures pour les volontaires. En filière économique, les maths sont indispensables pour faire des études post-bac. De même, une part importante de ceux qui avaient choisi la filière L suivaient deux heure de maths. Au total, 92 % des terminales de 2019 faisaient des mathématiques.

Avec la réforme Blanquer, les lycéens choisissent en première et en terminale leurs spécialités. Ils sont 64 % à avoir pris maths en première en 2019 (quatre heures par semaine comme dans l’ancienne filière S) et 60 % en 2020. Les autres n’en font plus. En 2020, une partie de ceux qui avaient choisi maths en première les ont abandonnées en terminale. 41 % de l’ensemble des terminales ont choisi la spécialité de six heures de mathématiques ; parmi eux, 14 % de l’ensemble des lycéens ont rajouté un complément de trois heures de mathématiques (ce qui porte leur horaire hebdomadaire à neuf heures). 17 % de l’ensemble des terminales suivent une option complémentaire de trois heures très allégée sans examen final ; la nature humaine étant ce qu’elle est, cette dernière option sera sans doute un peu négligée par ceux qui l’ont choisie.

Le recul des mathématiques avec la réforme Blanquer est donc net : on passe de 92 % des terminales faisant des maths, en 2019, à 58 % seulement, en 2020. En 2019, 51 % faisaient S, en 2020, 41 % seulement suivent l’équivalent de cette filière. Est-ce une catastrophe pour autant ? Non, car étudier des maths à tout prix est absurde. Cette matière ne sert que dans un tiers des filières post-bac. On peut être quelqu’un de très bien, de très intelligent et de très cultivé sans rien comprendre aux suites et à la dérivation. Il faut cesser de juger les êtres humains et les enfants plus particulièrement par rapport à leurs aptitudes en maths. Seuls ceux que cela intéresse ou qui en ont vraiment besoin dans leurs futures études doivent en faire.

Jusqu’en 2019, on avait continuellement allégé les programmes afin que le plus grand nombre suive. Beaucoup de notions essentielles étaient passées à la trappe. La réforme Blanquer marque un changement bienvenu : on rehausse enfin le niveau demandé en maths. D’une certaine façon, on reconstitue même l’antique terminale C détruite en 1993 par François Bayrou, ce qui est une excellente chose. Les classes préparatoires scientifiques auront ainsi un vivier suffisant et leurs étudiants seront mieux formés, au moins en mathématiques. Mais les classes préparatoires ECS qui recrutaient, jusqu’en 2020, dans la filière ES risquent de manquer de candidats. D’autres filières post-bac seront sans doute dans le même cas. Nous en saurons plus à la rentrée 2021 ; il conviendra alors de faire le bilan de la réforme Blanquer et, éventuellement, de l’amender.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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