La France éternelle expliquée à Ersilia Soudais

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Il y avait, récemment, sur X, un échange houleux entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Ciotti, l’un reprochant à l’autre de ne pas avoir condamné la poignée de nationalistes descendus dans une cité perdue, affronter des racailles protégées par les boucliers des policiers. Ciotti répond que sa France est celle de Thomas, et que lui défend la « France éternelle ». La fameuse députée NUPES Ersilia Soudais attrape la balle au bond : « Il faudra que vous m'expliquiez ce que c'est, "la France éternelle". » Éric Ciotti n’a pas encore répondu, mais puisque Ersilia Soudais insiste, prenons quelques minutes.

Communion des peuples

La France éternelle n’a pas débuté en 1968. Ni en 1793 ou en 1789, d’ailleurs. Déjà, ça commence par là. La France, autrefois, s’appelait la Gaule, et elle était « peuplée d’immenses forêts », comme dit Bainville dans La Petite Histoire de France (excellent cadeau de Noël pour les enfants, au passage). La France éternelle, voyez-vous, comme son nom l’indique, n’a pas de date de naissance précise. Tout ce qu’on sait, c’est que c’est un pays catholique depuis Clovis et qui, par petites touches, accepte le plus souvent d’autres religions, pourvu qu’elles ne lui marchent pas sur les pieds.

Le peuple de la France éternelle, lui, procède par agglutination : guerriers celtes, marchands grecs, soldats romains, marins normands, bergers basques ou savoyards, agriculteurs provençaux ou corses, frontaliers lorrains ou picards, vignerons de Bourgogne ou de Bordeaux… La France, pour peu qu’on l’aime, est généreuse et tendre. Elle accueille même les enfants des autres, comme la bouleversante mère Jeannie dans Les Pauvres Gens de Victor Hugo. Elle ne demande qu’une chose en retour : qu’on lui rende, en amour et en effort, ce qu’elle donne. La France éternelle, ce sont des peuples (et non pas un peuple, qui communient dans les grands moments pour les choses qui ne se négocient pas (la foi, la patrie, autrefois le roi), et demandent tout simplement qu’en attendant, on ne les emmerde pas.

Les paysages de la France éternelle ont à la fois des courbes douces, des rotondités émouvantes et des méplats osseux, comme le corps d’une danseuse. On y passe de collines en falaises, de calcaire en granit. Il y a des bois foisonnants et des causses solitaires, des sources qui murmurent, des plaines interminables et le grondement de l’océan. Malgré les amputations ou les augmentations, on sait très bien dessiner les contours de l’Hexagone ; on sait très bien aussi qu’il y a, aux jusqu’aux confins du monde, un peuple de Français qui furent enfants de la France avant le comté de Nice, dans des coins féeriques qu’on appelle « outre-mer ».

C'est le roman national

La France éternelle, c’est une variété d’habitats, de patois ou même de langues régionales, de musiques, de danses. C’est le roman national, si on veut. C’est aussi et surtout l’adhésion à une patrie et la volonté de mourir pour elle. Or, oui, malgré l’américanisation, l’oubli de ce que nous sommes et l’abêtissement, malgré l’illettrisme, les McDo et la passion de la country, oui, il reste une France éternelle. Ersilia Soudais dit ne pas la connaître. C’est bien normal : ce n’est pas son électorat.

Ersilia Soudais est députée de Seine-et-Marne sous les couleurs de La France insoumise. Fille de militants de gauche, professeur de lettres, elle fait partie de ce que l’on appelle généralement, sans doute par commodité et un petit peu par abus de langage, la gauche intellectuelle. Elle est connue de l’opinion publique pour deux faits principaux : son positionnement « antisioniste », à tout le moins… et son goût pour des tenues vestimentaires dont la simplicité tranche avec les vêtements plus formels de nombreux autres députés. Ces deux points, à vrai dire, ne la distinguent guère du reste de son groupe parlementaire. Mme Soudais doit donc, fort logiquement, sortir du lot pour être plus connue. C’est la dure loi du buzz.

Elle a cru faire un trait d’humour en ringardisant Éric Ciotti. C’est pourtant l’inverse que l’on voit dans la génération des « zoomers » : malgré une culture générale pas toujours au rendez-vous, ces jeunes aiment leur pays pour ce qu’il a toujours été. C’est eux contre nous, désormais, les amis de Nahel contre les amis de Thomas, et Ersilia Soudais n’est pas avec nous. Qu’Éric Ciotti ne perde pas de temps à lui expliquer quelque chose qu’elle ne pourra pas comprendre.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Coluche disait :  » Si je dis l’Algérie aux Algériens tout le monde dit bravo ; La Tunisie aux Tunisiens tout le monde dit bravo ; La Turquie aux Turques tout le monde dit bravo ; L’Afrique aux Africains tout le monde dit bravo ; la Palestine aux Palestiniens tout le monde dit bravo ; MAIS quand je dis la FRANCE aux FRANCAIS on me traite de raciste !!! Voilà ce qu’est devenue la FRANCE , pour laquelle tant de soldats sont morts pour elle ……

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