« Par décret en date du 22 octobre 2019, sur l’avis conforme du Conseil d’État, est déchu de la nationalité française : M. Fayçal Aït Messoud né le 23 août 1996 à Trappes (Yvelines). » Dans un style concis et augustéen faisant penser aux antiques imperatoria brevitas des jurisconsultes romains, le gouvernement prononce ainsi la destitution de la nationalité française d’un binational redevenu, conséquemment, un « simple » et exclusif Marocain.

Et après ?

Fayçal Aït Messoud, jugé en mars 2018 avec trois autres jeunes Français (Bilal Thagi, Mansour Ly et Sihem Laidouni), qui avaient tenté de gagner la Syrie quelques jours après les attaques à Paris contre Charlie Hebdo et dans un supermarché casher en janvier 2015, a décidé de se pourvoir devant le Conseil d’État, motif pris « des nombreuses démarches de réinsertion de l’intéressé et de son absence d’attache avec le Maroc ».

Quand bien même les juges du Palais-Royal le débouteraient-ils, demeure, prégnante, la lancinante interrogation de son maintien sur le territoire français. Car une déchéance de nationalité, en l’état actuel de notre droit, ne vaut ni n’implique une expulsion du pays.

Il faut bien comprendre que sous les atours matamoresques d’un volontarisme régalien qui s’exprimerait sans coup férir, la déchéance de nationalité relève incontestablement de la fausse bonne idée. Estimant le caractère peu dissuasif de la mesure, l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic soulevait des questions éminemment pratiques : « Comment expulser un individu qui a toujours vécu en France ? Une autre nation a-t-elle à gérer quelqu'un né chez nous ? Quelle sera la réaction de la France si l'autre nation à laquelle un suspect est rattaché refuse de le recevoir ? » ; pour conclure, à juste titre, qu’« on n'exporte pas un terroriste » (La Voix du Nord, 19 octobre 2015).

On se souvient que le président de la République François Hollande, au lendemain des meurtriers attentats de novembre 2015 au Bataclan, dans un contexte émotionnellement tendu, avait tenté de faire réformer le Code civil en étendant la déchéance aux Français « nés en France », assumant ainsi le risque de créer des apatrides. Après de longs et fastidieux débats parlementaires, le projet fut finalement enterré, bien moins pour des raisons juridiques – même si la loi aurait heurté de plein fouet les jurisprudences constitutionnelle et européenne – que purement politiques.

Déchoir – voire frapper d’indignité, crime de nature politique qui fut instauré en 1944 pour punir des Français ayant collaboré avec l'occupant – des individus qui, par leur comportement manifestement antinational et déloyaux, ont déjà mentalement rompu leurs amarres avec la France - est d’une parfaite innocuité. Quant à leur expulsion vers leur présumé pays d’origine – quid, en effet, des descendants d’immigrés né en France ? –, elle nécessite, au préalable, d’étroits rapprochements diplomatiques bilatéraux. Autant dire que la « remigration » prônée par certains ressortit au plus pur fantasme !

Un moratoire sur tout mouvement migratoire extra-européen, la suppression de la binationalité – et, subséquemment, des nominations de ministres binationaux, fussent-ils de géniaux Mazarin –, la réduction drastique du droit du sol, le durcissement des conditions d’obtention de la nationalité française (appendue, par exemple, à un service éminent rendu à la nation), l’expulsion automatique des étrangers clandestins ou dont le titre de séjour, limitativement renouvelable, aurait expiré, le rétablissement de la double peine – sanction pénale assortie d’une mesure d’expulsion – seraient certainement un programme bien plus efficace, bien que de longue haleine.

Évidemment, cela suppose de s’extirper une dose chevaline de courage politique.

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25 octobre 2019 à 15:56

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