Juppé, Borloo : notre petit prince président en phase de ringardisation avancée

Décidément, M. Macron n'a pas fini de nous surprendre. On avait admiré comment il avait habilement utilisé à son profit les diverses écuries centristes pour s'ouvrir la route de l’Élysée. Et on avait aussi applaudi le rapide congé adressé à M. Bayrou. On pressentait alors, à plusieurs signes, une autre vigueur, une autre ambition, un dessein autrement plus élevé que celui d'un centrisme giscardo-deloriste qui, de fait, gouverne la France depuis quarante ans.

Et là, en trois jours de novembre, le retour à la réalité est brutal, la désillusion abyssale. Nous envisagions de l'inédit, de la transgression, un gaullo-bonapartisme revivifié. Et nous voyons revenir, las, ridés, flétris, un Alain Juppé voulant faire liste commune pour les européennes avec M. Macron, et un Borloo souhaitant « retrousser ses manches » pour aider le Président dans sa politique de la ville.

Le leadership de M. Juppé pour les européennes ? L'énergie de M. Borloo pour traiter les problèmes de banlieue ? Sourires dans les rangs. On se pince. Vraiment ? Macron a fait ça ? Là où on attendait de jeunes pousses prometteuses, de nouvelles têtes, issues d'une jeunesse dynamique et entreprenante, on voit revenir de leurs pas lourds les vieux chevaux de retour de la droite grise.

Quelle régression historique ! Quel contresens politique ! Qu'un jeune Président prometteur, élu sous le signe de la « révolution », à qui mille possibilités étaient offertes, pourvu qu'il se hisse à la hauteur de la situation critique dans laquelle se trouve la France, aille chercher le secours de ces figures fatiguées et vieillottes que la droite - la vraie - n'a jamais vraiment goûtées est proprement stupéfiant.

Mais qu'en plus, les idées ou les actions concrètes envisagées soient exactement les mêmes que celles qu'ils menèrent il y a vingt ans - avec les résultats que l'on sait -, cela laisse sans voix.

L'idée-phare de la politique de la ville ? Les zones franches urbaines. Lancées par M. Juppé en novembre 1995… 22 ans jour pour jour. L'article de Libération est encore en ligne. Ce projet fou d'exonération fiscale pour certains quartiers censée régler les problèmes de trafics, etc. Le résultat, vous le connaissez. Et remettre à l'honneur tout cela en pleine commémoration des attentats du 13 novembre, cela met mal à l'aise.

N'ont-ils pas vu passer le train de l'Histoire, nos Juppé et nos Borloo, ce train qui s'est furieusement accéléré ces dernières années, et notamment dans nos banlieues ?

Pour eux, l'âge est une circonstance atténuante. Mais notre Petit Prince Président ? Aller chercher l'inspiration et l'expérience qui vous manquent chez d'anciens ministres archi-usés et dont la politique et l'absence de vision - et sur le présent et sur l'avenir - ont mis la France dans l'ornière durant des décennies, et pour longtemps encore, cela révèle un manque d'imagination et d'ambition étonnant, un conformisme politique inquiétant.

En ce mois de novembre 2017, six mois après une élection qui permettait une réorientation générale de nos politiques, l'arbre vert du macronisme a tombé toutes ses feuilles et, nu, il ne lui reste qu'un Juppé et un Borloo suspendus à ses frêles branches. Pas sûr qu'ainsi tutoré il résiste aux tempêtes hivernales.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/11/2017 à 20:15.

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