Islamo-gauchisme, ton univers impitoya-a-a-ble !

frédérique vidal

C’est un feuilleton palpitant. S’il était le fait de scénaristes, nous pourrions penser que ceux-ci abusent de substances illicites pour nous alimenter en rebondissements « capillotractés ». Mais il semblerait que ce soit la vraie vie, le scénariste.

Rappel des épisodes précédents : le ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a missionné, au CNRS, une enquête sur l’islamo-gauchisme au sein de l’université. Des enseignants et des chercheurs s’en sont émus et ont pétitionné pour dénoncer cette chasse aux sorcières et demander le départ du ministre-inquisiteur. Plus de 22.000 personnes ont signé cette pétition. Les 600 premiers noms seraient devenus la cible de sites qualifiés d’extrême droite qui se livrent à ce que les Anglo-Saxons identifient comme le name and shame, « nommer pour faire honte ».

Dans l’épisode du jour, le héros est le père Michel Deneken, théologien, prêtre catholique et président de l’université de Strasbourg. Il n’est pas parmi les signataires identifiés de la pétition « Vidal : Démission ! » mais il dénonce cette mise au pilori et des menaces implicites. Il annonce son intention de porter plainte pour injure publique au nom de l’université qu’il dirige.

En première analyse, les signataires qui n’ont pas craint de rendre public leur soutien à une pétition se plaignent de ce que d’autres sites effectuent le copier-coller d’une information publique et accessible, tout en les présentant comme les fourriers de l’islamo-gauchisme. Est-ce une injure ou une opinion ? Et si ce n’est qu’une opinion, serait-elle illicite ? « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », susurre Antoine de Saint-Just à nos oreilles. Aux signataires de s’acheter une cohérence.

Elle a bon dos, cette liberté universitaire invoquée ici. Quand Mme Sylviane Agacinski a été interdite d’amphi à l’université Montaigne de Bordeaux, s’est-il trouvé des myriades de pétitionnaires pour demander la poursuite pénale des trublions, leur exclusion définitive de tout établissement d’enseignement supérieur et la dissolution de leurs associations de droit ou de fait ? Non, bien sûr : une désapprobation polie et minimale suffisait. Ce deux poids deux mesures démontre, s’il en était besoin, l’hypocrisie de cette indignation à géométrie variable. Ne parlons même pas de ceux qui omettent de dénoncer l’UNEF raciste ou les prosélytes du blocage ad libitum des universités, insoucieux qu’ils sont de la première des libertés qui devrait être garantie : celle d’étudier.

La critique des universités n’est pas neuve. Il suffit de relire quelques pages de Gargantua où François Rabelais taille des croupières à la Sorbonne de l’époque. L’establishment en place se défendra contre les soupçons de sympathies islamo-gauchistes, indigénistes, racialistes, décolonialistes, LGBTQistes ou intersectionnelles (et l’auteur s’excuse humblement de devoir clore cette liste en omettant à coup sûr quelques timbrés), en niant que ce soit une doxa et en brandissant, telle une oriflamme, la liberté universitaire.

La liberté absolue, l’absence totale de contrôle, ça n’existe pas, et quand ça existe, c’est un ferment de chaos. L’État, en tant que financeur et dépositaire de l’autorité qui décerne les diplômes, a son mot à dire et peut souhaiter s’informer sur les calembredaines à la mode qui polluent les universités. Puis de les éradiquer. Même s’il est probable que Frédérique Vidal ne devienne pas l’Hercule qui nettoiera ces écuries d’Augias, elle aura eu le mérite de donner un coup de pied dans la fourmilière.

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