La chasse aux collabos se poursuit. Après avoir dénoncé les médias prorusses, comme nous l’évoquions en mars dernier, le journal a publié une nouvelle liste de suspects, le 8 juin. Une traque qui rappelle les meilleures heures du maccarthysme. « J’ai ici en main une liste de 205 noms… », avait proclamé le sénateur américain, en 1950, au début de sa croisade contre les sympathisants communistes. La contribution du Monde est plus modeste : douze influenceurs répartis dans huit pays occidentaux accusés de répandre « des discours de désinformation prorusses ».

Parmi eux, deux Françaises, dont la journaliste Anne-Laure Bonnel, à nouveau pointée du doigt après le portrait très à charge que lui avait consacré Libération, en mars dernier. On ne lui pardonne décidément pas ses reportages sur le Donbass qui avaient dévoilé une réalité plus complexe que le récit manichéen imposé par la plupart des médias depuis le début du conflit.

Dans cette affaire, l’utilisation du terme de « désinformation » est tout sauf anodin. Il suppose à la fois une volonté consciente de tromper et, dans le cas présent, le fait de se mettre au service d’une puissance étrangère hostile, puisqu’on reproche aux personnes listées « de disséminer la propagande du Kremlin ».

On s’attend alors à de terribles révélations, au vu du titre de l’article : « Les influenceurs prorusses en ordre de bataille ». Or, au bout du compte, qu’apprenons-nous, concernant Anne-Laure Bonnel ? Pour commencer, qu’elle a tweeté sur son compte : « Les US arment depuis des années l’Ukraine. » Quelle honte ! Il est bien connu que jamais les Américains n’ont livré le moindre armement à Kiev.

Ensuite - et là se situe le péché originel - qu’elle a produit, « en 2015, un documentaire sur la région du Donbass, exclusivement tourné du côté russe de la frontière et, de fait, critiqué par plusieurs journalistes présents sur place, dont le correspondant du Monde à Moscou, Benoît Vitkine ». Scandale ! On sait très bien qu’à l’inverse, les autres journalistes occidentaux ne se contentent pas de rester dans les zones contrôlées par Kiev et se précipitent régulièrement du côté des zones séparatistes afin d’offrir une vision parfaitement impartiale du conflit.

Le correspondant du Monde, cité dans l’article, note qu’Anne-Laure Bonnel « était trimballée dans les territoires séparatistes par… des responsables de ces mêmes territoires ». Curieux. On imagine pourtant qu’il doit être très facile de se déplacer seul, en touriste, dans ces zones de guerre.

Enfin, on nous explique que les guides d’Anne-Laure Bonnel lui mettaient, « magiquement sous le nez », « des choses fausses, qui ont été démontées à maintes reprises, des fables concoctées par la télévision russe ». Quoi précisément ? L’article ne le dit pas, on croira Le Monde sur parole.

Voilà qui suffit, cependant, pour livrer, à nouveau, la journaliste à la vindicte populaire en lui imputant l’acte intentionnel de désinformer. Accusation d’autant plus grave qu’elle s’accompagne des remarques suivantes à propos des personnes désignées : « Leurs liens avec Moscou restent flous » ou encore « Le lien entre ces États et les influenceurs n’est pas, pour autant, avéré ».

Aucune preuve, donc, d’une quelconque collusion, mais peu importe, on procède par suggestion : des liens « flous ». De toute façon, comme aurait certainement dit le sénateur McCarthy, dans une telle situation, il n’y a pas de fumée sans feu.

Pour terminer, on notera le procédé utilisé par le journal qui, probablement pour échapper lui-même à des poursuites en diffamation, se réfugie, pour dresser sa liste de suspects, derrière « une étude de l’organisation indépendante Institute for Strategic Dialogue ».

Un think tank basé à Londres et tout à fait indépendant. Il suffit d’aller regarder la liste de ses financeurs. On y trouvera, notamment, le Département d'État américain et les Open Society Foundations de George Soros.

Une vraie garantie d’objectivité. D’ailleurs, on sait très bien que seuls les Russes font de la propagande et de la désinformation. Jamais il ne viendrait à l’idée des Américains de développer une stratégie d’influence se dissimulant derrière une multitude de sous-traitants généreusement financés (ONG, centres de recherche, think tanks, associations…) et fonctionnant comme autant de « sociétés-écrans » masquant l’action étatique.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 19/06/2022 à 15:00.

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18 juin 2022 à 12:55

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14 commentaires

  1. Cette dichotomie entre le camp des gentils et le camp des méchants devient insupportable. Les médias aux ordres nous fatiguent en voulant nous faire croire que les gentils dirigeants américains (Vietnam, Afghanistan, Irak, Lybie, Syrie, Yougoslavie) sont tous des gens qui ne veulent que notre bien, tout comme notre gouvernement et que les méchants russes ne cherchent que notre perte, alors nos chers dirigeants font tout pour nous amener à notre perte, avec l’aide des USA.

  2. Robinson

    Bizarre , la bataille de chiffonniers que se livrent russes et ukrainiens est ridicule .
    Provoquer la mort de tant de personnes pour quoi ?
    Les russes , à juste titre ont été floués par les accorts précédents avec l’OTAN . Ils ont mainte fois demander que soient respectés ces accords …sans succès .
    Alors , ils réagissent avec brutalité . C’est normal . Ce conflit aurait pu être arrêté dès le début par une vraie négociation ,avec des vraies concessions de la part de L’Ukraine .

  3. Qu’es-ce qu’un « influenceur », mot nouveau qui a fait son apparition dans le langage médiatique tout récemment? Excellent article rédigé sur un ton d’ironie subtile dont je voudrais féliciter l’auteur tant il est efficace tout en restant léger. Tout à fait d’accord sur le fond!

  4. Je ne suis pas payé par Poutine et pourtant ce qu’il fait me parait logique d’un point de vue historique et géopolitique. La Russie ne peut être privée d’un accès libre à la Méditerranée. En cela les USA ont créer la cause du conflit en poussant « VZ » à demander à entrer dans l’Otan et dans l’UE. Casus belli pour la Russie qui n’acceptera jamais que son accès à la Méditerranée dépende d’un enfant capricieux auquel on promet tout ce qu’il demande (conseillé dans ses caprices par Sleepy Jo)

    1. un peu d’histoire, pendant la 2° guerre, les Ukrainiens ont accueillis les troupes du 3° Reich en libérateurs et ont livrés des juifs aux nazis. ne pas oublier non plus que le president au Tshirt touche tous les mois des dividendes du gazoduc russe qui passe dans son pays, silence médiatique chez nous.

    2. La prochaine étape pour les Américains va être : Suède et Finlande pour y installer leurs missiles et armement afin de bloquer la sortie des sous-marins russes de Kaliningrad, seul port où la glace n’est pas suffisamment épaisse pour bloquer la flotte russe. C’est ce que disait déjà ma grand-mère originaire de Königsberg : « Ils finiront par avoir Königsberg un de ces jours, car pour eux c’est le seul moyen de naviguer en Baltique toute l’année »… À suivre!…

  5. Enfin un article qui informe et dénonce le rôle trouble de Soros (et de sa mafia, eh oui, c’en est une !) dans les informations et actions concernant l’Ukraine dans le monde occidental. Il faut parler et reparler de ce personnage trouble dans la désinformation et la propagande actuelle.

  6. Anne-Laure on t’aime !
    On aime ton courage et la qualité de tes documentaires.
    Tes détracteurs n’ont pas ton honnêteté. Ils ne sortent pas de leur bureau et veulent nous expliquer la vie.
    D’autres on confirmé tes dires. La vérité va arriver.

  7. Biden, ainsi que nombre d’oligarques occidentaux ont beaucoup de choses à cacher sur leurs actions en Ukraine. A titre d’exemple, on n’entend rien sur le contenu de l’ordinateur du fils Biden. Rien non plus sur les laboratoires bactériologiques implantés en Ukraine par Fauci. Et l’Union Européenne suit, car certainement mouillée elle aussi jusqu’au cou. Vivement qu’éclate la vérité.

    1. lire « Covid 19 enquête sur un virus » tout y est, labos, finances occultes, magouilles politiques, on nous prends pour des c…, mais bien entendu lorsque nous sortons cela les gens crient « complotiste »

  8. Les français (comme une majorité d’européens) endoctrinés par le sentiment de supériorité occidental et dont la capacité de réflexion ne dépasse pas le cadre du pouvoir d’achat, ne voient pas le monde totalitaire dans lequel ils sont en train de se laisser enfermer. D’ailleurs, ils ont déjà démontré (acquiescement aux pass…) que la liberté ne leur importe guère dans la mesure où on leur donne des loisirs et la consommation éternelle.

  9. Je regarde régulièrement les infos tant télévisuelles que radiographiques françaises comme étrangères ( italo- belge et Suisse) depuis que le conflit à commencer.
    J’ai récolté le plus d’information sur le fameux traité de Minsk. J’en suis arrivé à trouver Poutine et les russes de plus en plus sympathiques.

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