Indécent de se servir d’un fait divers pour justifier des réformes pénales ?

La semaine dernière, la famille de la dame âgée de 73 ans, agressée à Bordeaux par un homme qui tentait de lui enlever sa petite-fille, âgée de 7 ans, s’est dit « indignée par la récupération politique qui est faite de ce fait divers ». Dans le communiqué transmis à l’AFP, cette famille déclare qu’il est « parfaitement indécent de se servir de ce fait divers pour évoquer une origine ethnique ou de justifier des réformes pénales ou migratoires ». Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ce type de réaction. Comme elle émane de la famille de victimes, la compassion bien naturelle, une certaine décence, justement, empêchent de réagir à ce genre de déclaration ou, tout du moins, contraignent à une certaine retenue. Et pourtant, il y aurait beaucoup à dire.
Passons sur ces arguments avancés à chaque fois et désormais éculés : ce ne serait pas le moment (en fait, ce n'est jamais le moment !), il faut respecter la douleur des familles, il y a un temps pour tout, dont celui du deuil, etc. Arguments qui permettent de passer rapidement à autre chose en attendant le prochain drame, la mémoire de l’opinion étant supposée être celle du poisson rouge, c’est-à-dire proportionnelle à la circonférence de son bocal.
Passons aussi - il ne faut pas sous-estimer le phénomène - sur le poids de l'idéologie « vivre-ensembliste », plus forte que le réel. Même si ce réel frappe à votre porte ou en pleine figure. Une idéologie qui trouve son apothéose dans le fameux slogan « Vous n'aurez pas ma haine ».
"L'agresseur doit être traité avec bienveillance (…). Nous ne sommes pas fondamentalement différents de l'agresseur"
On vient de m'envoyer ces photos prises aujourd'hui devant le parc de l'horreur à #Annecy : la France s'ouvre les veines un peu plus chaque jour ! pic.twitter.com/aCdCyHvl7Q— Gilbert Collard (@GilbertCollard) June 26, 2023
Mais on oublie une chose fondamentale, dans toutes ces affaires : la société est tout autant victime que les victimes elles-mêmes. Pire, dirons-nous : la société est la première victime ! Et la société, c’est qui ? C’est vous, c’est nous tous. Un crime ou un délit commis sur une personne est donc l’affaire de la société tout entière. La preuve en est : une victime – ou ses représentants – n’a pas obligation de se porter partie civile. Le ministère public, lors d’un procès pénal, représente les intérêts légitimes de la société, pas des victimes. Le jugement est rendu au nom du peuple français. Un crime ou un délit, ce n’est pas un contentieux privé entre un agresseur et une victime. Si c’était le cas, il n’y aurait plus de lois, plus de police, plus de justice. Ça doit avoir un nom, ça…
Il est donc tout à fait légitime que les membres de la société, vous comme moi, s’emparent de telles affaires, chacun à sa place. D’autant que demain, ce sera peut-être vous ou votre famille qui sera la victime. Et les politiques, qui ont pour mission de conduire les affaires de la Cité, ont, plus que n’importe qui, le droit et même le devoir de s’emparer de tels faits qualifiés, pour faire court, de « divers ». C’est même leur honneur. Appelons cela de la « récupération », si ça fait plaisir. Récupérer, c’est s’emparer, faire sien un problème, une situation, un drame. C’est essayer de comprendre les causes et proposer des solutions pour que le risque d’un recommencement soit limité au maximum. C’est le fondement même de la vie politique. S’il est indécent de se servir d’un fait divers pour justifier des réformes pénales, alors il y a toute une montagne de lois qui sont frappées du sceau de l’infamie.
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