Lejeune au JDD : le cirque de l’indignation enflamme les beaux quartiers

Rimal Abdul Malak

Entre la gauche et l’indépendance de la presse court une extraordinaire histoire d’amour. Passionnelle, irraisonnée, obsessionnelle, possessive surtout. L’indépendance de la presse, c’est la gauche. Et la gauche, c’est l’indépendance de la presse. L’amour rend aveugle. Ainsi les médias de gauche (Le Monde, propriété de Xavier Niel, Libération et BFM TV, propriétés de Patrick Drahi, etc.) sont-ils réputés indépendants de droit divin. Les médias de droite, eux, c’est différent. Ils sont sales, les médias de droite. Ils sont veules, vendus, obtus. Leurs journalistes ne sont jamais aussi heureux que quand ils piétinent la liberté d’opinion, lorsqu'ils obéissent servilement à leur actionnaire factieux ou quand ils déforment les faits, arrosent leurs pages de « fake news » et foulent aux pieds les lois du métier. C’est dans leur nature, comme disait La Fontaine du scorpion.

L’arrivée de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche (JDD) a donné le signal de la mobilisation : le cirque de l’indignation repart donc pour une grande tournée à travers les beaux quartiers de Paris. Traditionnelle pétition des sociétés de journalistes, mobilisation de huit anciens directeurs de la rédaction du JDD, tribune de stars dans Le Monde parmi lesquelles des sommités aussi légitimes pour parler de la liberté de la presse que JoeyStarr, Muriel Robin, l’actrice et cinéaste Maïwen, Anne Sinclair dont on attendait impatiemment l’avis, le tennisman Yannick Noah, toujours inspiré, ou Sandrine Kiberlain qu’on peut préférer dans Le Petit Nicolas. Tout ce beau monde emboîte le pas du ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, dont le tweet a suscité d’innombrables moqueries de la droite française, pour une fois unie.

Dans cette guerre en costume de scène, où l’on ne risque que des éloges, la patronne de la CGT Sophie Binet se distingue en considérant que « l’extension de l’empire médiatique de Bolloré est un grave danger pour la démocratie ». La France a peur ! Le patron de RSF [Reporters sans frontières] Christophe Deloire a inventé un concept : « Vincent Bolloré instaure un système de capture oligarchique. » Grrr. Même l’opposant russe à Vladimir Poutine Mikhail Khodorkovsky donne de la voix, sans aller aussi loin que le chroniqueur de Libération Daniel Schneidermann pour qui Bolloré est, en fait, plus dangereux que… Prigojine ! Un vrai coup d’État linguistique.


L’affaire du JDD a animé, ce mercredi, les questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. S'adressant à Olivier Véran, ministre du Renouveau démocratique et porte-parole, le député MoDem Bruno Millienne s’alarme de « la nomination d’un homme aux opinions bien affirmées ». Horreur, quand lesdites idées sont de droite…

« Cette nomination […] remet en question l’indépendance des rédactions et la pluralité de la presse », assure le député, qui n’a peur ni des mots ni de l’amalgame. C’est alors qu’il a ce propos extraordinaire : « Je vous le dis clairement, j’ai aujourd’hui l’impression que la situation nous échappe. » C’était donc cela ! On comprend mieux. « Jamais, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et l’ordonnance interdisant la concentration des organes de presse, nous n’avons assisté à une stratégie aussi agressive de mise sous tutelle idéologique de notre paysage médiatique », assure le député, qui devrait réviser l’histoire des médias depuis la guerre, de Robert Hersant, omniprésent dans la presse des années 1960, au TF1 archi-dominant du groupe Bouygues, dans les années 1980.

L’arrivée d’un propriétaire de média gauchisant n’a jamais fait trembler l’Assemblée mais, cette fois, c’est le drame. Et pourtant... non, Bolloré n’écrase pas le paysage médiatique. CNews et C8 représentent, ensemble, 5,4 % de l’audience de la télévision gratuite, en France, en mai, selon Médiamétrie, contre 18,7 % pour TF1, près de 30 % pour les chaînes de France Télévisions ou 8,2 % pour M6.

Dans la presse écrite, très abondante et éclatée en France, le groupe Bolloré possède une poignée de titres (ceux du groupe Lagardère, Paris Match et le JDD) et de Prisma Presse (une vingtaine de marques comme Capital ou Femme actuelle), soit une part infime des milliers de titres français. En radio, avec Europe 1, Europe 2 et RFM, Bolloré atteint tout juste les 6 % de part d’audience. Petit rappel. Eh oui, en France, le propriétaire d’une entreprise, qui paiera les déficits, a le droit de choisir ceux qui la pilotent. Or, un média est une entreprise, avec des coûts et des revenus. Certains pays ont échappé à cette épouvantable fatalité : en URSS jadis, en Chine communiste aujourd’hui, tous les médias appartiennent à l’État, avec les résultats qu’on connaît sur le coût, la qualité et... la liberté d’expression.

En France, à l’Assemblée, le ministre Véran a dû rappeler à la gauche les principes d’une démocratie : « Monsieur le député, répond-il à Millienne, la presse d’opinion est légale en France. » Véran doit aussi rappeler l'importance du « pluralisme des médias ». Il doit enfin expliquer que la liberté de la presse compte parmi nos principes fondamentaux. Rassurez-vous, ces grands principes énoncés, notre ministre explique aux élus comment il va tenter de les contourner, notamment par une évolution de la loi Bloche de 2016.

Ce tremblement devant l’arrivée timide d’un peu de pluralisme dans les médias français serait très drôle si on ne sentait, palpable, l’envie de passer le licol à la liberté d’expression. Il faut donc recommander Alexis de Tocqueville : « En matière de presse, il n'y a pas de milieu entre la servitude et la licence, écrivait-il. Pour recueillir les biens inestimables qu'assure la liberté de la presse, il faut savoir se soumettre aux maux inévitables qu'elle fait naître. » À méditer à gauche.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

35 commentaires

  1. La presse de droite étant moins forte que celle de gauche les journalistes ont toute la liberté d’expression aller dans ces médias pour nous montrer leur objectivité et leurs compétences qu’on se le dise.

  2. La gauche caviar et son courage légendaire entonne l’air à la musique syncopée contre le fascisme fantasmé du patriotisme français.

  3. L’amicale des Gardes Rouges de la république française s’étale au grand jour (il en manque), le robespierisme est ambiant, dont sont nostalgiques certains a l’extrême de l’extrême de l’extrême gauche (du latin sinistra…sinistre) qui viendront forcer les révisionnistes, dans leurs rangs (il y en a toujours, des mous) a des confessions a vous faire tourner la tète, et peut-être la perdre. Cote Charlotte Corday, elle n’ aurait que l’embarras du choix parmi tous ces tartufes aux idées totalitaires et liberticides….Trêve de plaisanterie, il est un fait que l’extrême gauche,et la gauche dont elle est issue, nous amène progressivement a la guerre civile…et ce n’est pas avec des mots que cela se terminera, autant en être conscient ! Mais n’est-ce pas prévu dans les prédictions de Fatima…Alors !!!

  4. Cessons de subventionner la presse de droite comme de gauche et que nos « bons » journalistes nous démontrent leurs compétences pour gérer leur « boite » !! C’est la clientèle qui déterminera par une sélection naturelle ceux qui doivent survivre !!

  5. Pour lire souvent Paris Match, je cherche encore des articles évoquant l’extrême droite. Je les trouve même plus que complaisants avec Macron et madame.
    Ces gens de gauche pensent sans doute que le fait d’affirmer un mensonge le rend véridique

  6. Faut-il que la gauche ne soit plus sûre de son discours pour avoir aussi peur qu’un seul journal, poutant hebdomadaire ,puisse donner la parole aux oubliés de la sphère médiatique que sont les partisans du RN , de Reconquête , de debout la France ou des patriotes de Philippot ou d’Asselineau et une bonne partie de LR. Proportionnellement aux résultats électoraux obtenus , tous ces gens qui votent pour la France ne s’y retrouvent pas en matière de relais médiatiques . Il faut rétablir un minimum d’équité . Si cela ne se fait pas de façon financière cela doit se faire coercitivement parce que comment expliquer une opposition gauchiste dont on subventionnerait les médias pendant qu’une autre partisante du pays France serait interdite, de fait, de diffuser toute opinion ? Sans parler de ceux qui les pourchassent lors de dédicaces !Un totalitarisme avéré qu’il faudrait donc combattre sans faiblesse pour rétablir la république Française !

  7. L’assemblée nationale n’a-t-elle pas mieux à faire ? C’est vrai, j’oubliais. Il faut que tous ce beau monde s’occupe puisqu’il ne vote pas.

  8. Lejeune a commis il y a quelques temps, un VA consacré à la mafia Soros ! Les soutiens de ce personnage sulfureux et nauséabond sont à la manoeuvre pour lui faire rendre gorge. Quand Libération et le Monde oseront consacrer eux-aussi un numéro à cette mafia Soros, ils pourront alors être qualifiés de journalistes.

  9. Ces réactions ne me font pas rire, mais pas du tout ! Elles démontrent à quel point la société est mise sous tutelle par les médias.

  10. la gauche a tous les médias du service public, +BFM et consorts, il est vrai que ce n’est pas du journalisme qu’ils font c’est de la propagande.

  11. Il faudra vous y faire. En France (et ailleurs), le pouvoir a été confisqué, au moyen de grosses magouilles, par la Mafia. Et elle poursuit ses magouilles chaque jour pour éviter de le perdre. La preuve.

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