Immunité diplomatique : dealer mais fils d’un jardinier camerounais, il est intouchable !
C’est une de ces histoires délirantes dont l’administration a le secret : le statut diplomatique qui protège les escrocs, les salauds, les cogneurs et bien souvent les "employeurs" esclavagistes. Cette fois, il s’agit d’un jeune dealer de banlieue, « bien connu des services de police », selon l’expression consacrée, mais qui est intouchable lui aussi en raison de sa filiation.
Un fils de diplomate, pensez-vous ?
Il est vrai que ce ne serait pas le premier. Et généralement, ça vole beaucoup plus haut que le deal de shit, comme l’a montré le « procès des biens mal acquis » qui s’est déroulé voilà un an tout juste. Alors en vedette, Teodorin Obiang, promu par son père vice-président de la Guinée équatoriale, poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour blanchiment d'abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance et de corruption. Dans le collimateur, également, les enfants chéris de Denis Sassou-Nguesso (Congo), du défunt Omar Bongo (Gabon) ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé. Mais pour ceux-là qui ont tenu le devant de la scène, combien d’autres mis en cause dans des violences conjugales ou des histoires d’« esclavagisme moderne » - encore une expression consacrée -, comme si la modernité changeait quelque chose à l’affaire.
La lignée du dealer de Villejuif (Val-de-Marne) est nettement moins prestigieuse : il ne serait que le fils d’un jardinier, de l’ambassade du Cameroun, semble-t-il.
C’est Le Parisien qui raconte l’histoire du caïd de la cité Duclos. À vingt ans, c’est lui qui organise les petites livraisons de cannabis. Un épicier de quartier, en somme. Jeudi dernier, ignorants de son auguste ascendance, "les enquêteurs du groupe stups de Paris XIII, qui eux ne le connaissaient pas, l’interpellent à 13 heures chez lui à Villejuif". Ils saisissent le matériel du parfait dealer, soit des téléphones et 480 euros retrouvés dans sa chambre. Et c’est là que "le dealer abat sa carte diplomatique". Si bien que "deux heures plus tard, le ministère des Affaires étrangères confirme l’immunité. Dans la foulée, le parquet ordonne sa libération “immédiate” et même la restitution des 480 € retrouvés dans sa chambre."
Fils de jardinier…
Retour, donc, à la case départ où le roi de la cité ne se sent plus d’aise. Si bien que le lendemain, lorsque la brigade anticriminalité du Kremlin-Bicêtre fait son tour dans la cité Duclos, le petit caïd joue la provoc' en rameutant sa cour : "Hey, bande de fils de p… ! Baissez les yeux ! Baissez les yeux p… ! Vous êtes chez moi, ici, vous ne pouvez rien contre moi ! Je suis intouchable, bande de p…" Et comme ça ne suffit pas, il en rajoute une couche : "Vendredi soir, il n’a pas seulement insulté les policiers. Il leur a aussi demandé de se battre, leur promettant de les “crever”. Un attroupement d’une dizaine de personnes s’était formé."
Les policiers ont donc été contraints de battre en retraite pour éviter un « incident diplomatique ». Autre expression consacrée.
L’un d’eux ne décolère pas et crache son mal au cœur : "À l’école de police, on nous apprend à baisser notre froc devant l’immunité diplomatique." La justice aussi baisse son froc, et puis les institutions en général, et pour finir l’État lui-même devant un petit merdeux de 20 ans !
Il paraît que l’immunité diplomatique définie par la Convention de Vienne en 1961 vise à "empêcher les coups de pression que le pays d’accueil pourrait faire subir aux diplomates". Toutefois, si j’en crois Wikipédia, "elle permet à certaines personnes ayant des comportements répréhensibles d'échapper à toute sanction judiciaire, sous réserve que ces comportements aient lieu dans l'exercice des fonctions diplomatiques".
Est-ce que la profession de dealer d’un fils de jardinier est une activité diplomatique ?
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