Il ne suffisait pas que Notre-Dame ait brûlé…
Il ne suffisait pas que Notre-Dame ait brûlé. Ni l’archevêque n’avait brûlé, Dieu soit loué, ni aucun chanoine n’était porté disparu. Aucun des anges de la chorale aux robes bleu roi n’avait brûlé. Dieu soit loué ! Et même la croix d’or et la statue de la Vierge du XIIe siècle étaient intactes : Dieu soit toujours loué ! On se consolait : la foi, ce sont des pierres vivantes. La main sur le cœur, l’autre au portefeuile, on se jurait qu’on la reconstruirait, cette cathédrale. Et même plus belle qu’avant ! Des discussions avaient commencé sur sa reconstruction et même des polémiques : mais enfin, le chantier allait son train. Sauf que, comme le dit un article du Figaro, en date du 15 décembre, sous la plume de Benoît Duteurtre, la « dysneylandisation » du cœur historique de l’île de la Cité était en marche depuis 2016, avec le projet de transformer les abords de la cathédrale en complexe touristique .
Il ne suffisait pas que la chorale soit « délocalisée » et que le titulaire du grand orgue soit orphelin de ses claviers. Les fidèles de Notre-Dame s’étaient ressoudés à Saint-Sulpice puis à Saint-Germain-l’Auxerrois. Entendre, le Vendredi saint, non loin de l’Ange de Delacroix, la maîtrise de Notre-Dame chanter, tout comme avant, avait réchauffé notre cœur.
Apparemment, cette catastrophe ne suffisait toujours pas. Il manquait quelque chose : toucher au patrimoine musical. C’est chose faite, avec le licenciement brutal du chef de chœur grégorien : Sylvain Dieudonné. Sylvain Dieudonné au nom béni du ciel ! Sylvain Dieudonné qui avait réorganisé la maîtrise, à la demande du cardinal Lustiger ! Sylvain Dieudonné qui avait révélé les trésors de l’École de Paris du XIIe au XVIe siècle, enrichi notre patrimoine du chant grégorien, à l’origine de notre musique occidentale ! Lui qui formait les enfants ! Sylvain Dieudonné, le musicologue et l’érudit hors pair, licencié ! Sous prétexte que l’association Musique Sacrée à Notre-Dame rencontrerait des difficultés financières depuis l’incendie. À ne pas croire ! Un trésor musical unique ne représenterait donc rien face à des Jet Tours déversant des touristes sur le parvis avec les bateaux qui en débarqueraient d’autres ?
Le chef de l’État est concentré sur sa tâche. On espère qu’il réfléchit puissamment à sauver notre patrimoine musical. En attendant, un collectif d’artistes, d’intellectuels, dont Jean-Luc Marion, l’exécutaire testamentaire du cardinal Lustiger - l’aimait-il, cette maîtrise, le cardinal ! -, Michel Zink, son confrère à l’Académie, Philippe Contamine, de l’Institut, des musiciens, des moines, des chanteurs, François Polgar, cofondateur du Chœur grégorien de Paris, ont signé un appel pour « éviter cette catastrophe cultuelle ». Catastrophe : oui ! Il ne s’agit pas, comme dit l’article du Figaro du 27 décembre, de remplacer la maîtrise par un chœur de l’Armée rouge qui chanterait un énième requiem dans des villes européennes. Il s’agit de sauver le cœur battant de la France : la maîtrise de Notre-Dame de Paris. Ces signataires en appellent à notre archevêque et au chapitre cathédral pour qu’ils les assurent que « la cathédrale ne brûle vraiment plus ».
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