Notre-Dame : après l’incendie, les impatiences

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Évidemment, l’émotion est à la hauteur de l’événement. Évidemment, qu’il faut sauver Notre-Dame. En vingt ans, comme semblaient le dire certains, le soir du drame ? Après tout, Notre-Dame ne s’est pas construite en un jour. Mais le Moyen Âge était un temps de patience et notre temps est celui de l’impatience, de l’immédiat. La technique nous le permet et nous y contraint souvent aussi.

En cinq ans, comme l’a déclaré mardi soir le Président ? Dans l’immédiateté de l’événement, sous le coup de l’émotion, le discours d’Emmanuel Macron a pu paraître à la hauteur. L’émotion retombée, on peut se demander, maintenant, s’il n’en a pas trop fait. Ou, plutôt, s’il n’a pas révélé, une fois encore, sa profonde personnalité. « Je veux que la reconstruction soit achevée d’ici cinq années. » On aurait aimé entendre quelque chose comme cela : « Je vous propose un grand défi, un défi à la hauteur du grand peuple que nous sommes, de ce qu'ont été nos ancêtres : reconstruire en cinq ans Notre-Dame… » Mais non, c’est plus fort que lui : « Je veux ! » « Le moi est haïssable », disait Pascal. En cinq ans : l’impatience d’un enfant roi qui s’imagine peut-être déjà, dans un second mandat, inaugurer la cathédrale rénovée, entouré de Brigitte en crinoline, comme les nobles dames dans Notre-Dame de Paris, du légat du pape et des grands de ce monde, tous ébahis de tant de prouesses en si peu de temps ? Inaugurer une cathédrale millénaire restaurée, c’est quand même autre chose que de couper le ruban d’une salle polyvalente, un samedi matin, avec un pétillant servi dans des gobelets en plastique ! Un sacre est possible, comme aurait pu le dire Mitterrand. Reconstruire la cathédrale « plus belle encore ». Pourquoi, plus belle ? Déjà, comme avant l'incendie, ce serait pas mal déjà. Simple figure de style, envolée lyrique de celui qui a lu des livres ou, là encore, symptôme de cette maladie infantile que l’on appelle le progressisme ?

Curieux, aussi, cette impatience présidentielle au regard de l’enjeu colossal, alors qu’en même temps, dans le même discours, Emmanuel Macron demandait au petit peuple, qui piaffe de connaître les annonces renversantes promises depuis plusieurs jours, d’être patient. « Je sais en quelque sorte l’espèce de fausse impatience qui voudrait qu’il faut réagir à chaque instant, pouvoir dire les annonces qui étaient prévues à telle date… » Doit-on en déduire qu’il y a, d’une part, les fausses impatiences comme du reste il y a les passions tristes, marque du vulgaire, et, d’autre part, les nobles passions et vraies impatiences, apanage de ceux qui ne sont pas rien dans ce monde ?

L’émotion retombée, Emmanuel Macron devrait peut-être se rappeler que la patience a des limites.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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