Il est temps de juger les juges !
L’affaire Outreau a mis en lumière l’impact dramatique d’une erreur judiciaire. Dans ce cas précis, c’est la médiatisation de l’affaire et la présence de ténors du barreau qui ont permis l’ouverture d’une enquête parlementaire. Mais combien d’autres affaires ont vu la condamnation d’innocents ou le classement sans suite d’affaires impliquant la responsabilité évidente de magistrats, ces derniers bénéficiant du corporatisme de leurs pairs, l’institution judiciaire se contentant de laver le linge sale en famille. Récemment, encore, un juge d’instruction de Nanterre, poursuivi pour avoir pourtant commis un faux évident, a bénéficié d’un non-lieu.
Un homme politique, un militaire en zone de combat, un policier ou un avocat encourent tous différents types de responsabilités.
Prenons l’exemple de l’avocat, affublé de manière méprisante du qualificatif « d’auxiliaire de justice ». Ce dernier engage sa responsabilité professionnelle civile vis-à-vis de ses clients, déontologique vis-à-vis de ses confrères et pénale dans l’exercice difficile de sa profession qui le place au cœur de secrets et de confidences (obligation de dénoncer son client ou agissements dont il a connaissance). Et il n’est pas rare de voir des juges d’instruction essayer de déstabiliser la défense en s’en prenant à l’avocat.
Il en est de même pour le policier ou le militaire en opérations qui agissent souvent avec des ordres flous de leur hiérarchie et qui serviront de fusible au moindre dérapage.
Le magistrat ne sera jamais responsable que vis-à-vis de sa hiérarchie, contrairement à l’avocat qui, s’il est jugé en première instance pour les fautes disciplinaires par des confrères, sera jugé en appel par des magistrats professionnels. La responsabilité des magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au service public de la Justice ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État. Toutefois, l'action récursoire de l'État à l'encontre d'un magistrat ayant commis une faute personnelle se rattachant au service public de la Justice n'a jamais été mise en œuvre.
S’il place en détention provisoire de manière abusive un innocent, c’est, le cas échéant, l’agent judiciaire de l’État qui paiera avec les deniers public, c’est-à-dire avec votre argent.
On entend bien l’argument a contrario qui consiste à dire qu’une telle responsabilité fragiliserait les décisions de Justice et ferait peser une épée de Damoclès au-dessus de la tête des juges. Mais cela signifie que les juges seraient les seuls à échapper à un véritable contre-pouvoir à l’heure ou la Justice est décriée. Or, nous ne sommes pas devant la justice divine mais devant une justice humaine imparfaite, par définition, où tout parti pris, négligence ou passion sont par définition inacceptables.
C’est la raison pour laquelle une véritable réforme judiciaire digne de ce nom doit envisager une telle responsabilité pénale et civile des magistrats pour des actes graves.
Certes, la loi organique du 22 juillet 2010 a fixé les conditions dans lesquelles les plaintes des justiciables sont examinées contre les juges présumés fautifs.
Cependant, d’une part, cette responsabilité est cantonnée au domaine disciplinaire alors qu’elle devrait être étendue aux domaines pénal et civil et, d’autre part, en quatre ans, 1.278 dossiers ont été enregistrés, dont seulement 29 ont été déclarés recevables, soit 2,25 %. Surtout, la composition du Conseil supérieur de la magistrature, une fois passé le filtre de la commission d’admission des requêtes, prise en sa formation disciplinaire, comprend majoritairement des magistrats, même si on y trouve également quelques personnalités nommées par les présidents de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Il convient donc que les juges ne soient pas jugés par d’autres juges pour les affaires pénales et civiles commises dans l’exercice de leurs fonctions.
C’est la raison pour laquelle il conviendrait de créer une commission tripartite pour juger les juges pour les faits les plus graves, commission qui serait composée d’avocats, de juges et de citoyens, à l’image des jurés, pour exercer un véritable contre-pouvoir et éviter cet incroyable corporatisme et ce sentiment d’impunité qui place les juges au-dessus des lois.
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