C'est l'histoire du gars qui a assassiné ses parents et qui, devant la cour, demande au juge d'avoir pitié d'un pauvre orphelin. On appelle ça le culot, l'impudence, l'amoralité... comme on veut. Mais à chaque fois qu'on en est témoin, le plus souvent dans le monde politique, c'est avec un mélange de dégoût (devant tant de laideur morale) et de fascination (devant tant d'aplomb) qu'on observe ce genre de comportements.

Ainsi, mutatis mutandis, de l'affaire Kohler. Laissons de côté, pour l'instant, l'affaire Dupond-Moretti, qui est moins significative. Alexis Kohler, cousin germain des patrons de l'armateur MSC, a cherché, à chaque fois qu'il était sur la sellette, à rejoindre l'entreprise familiale, ce qui lui fut refusé en 2014 puis accordé en 2016 : il en sera le directeur financier. Et quand il était aux affaires, il a eu à plusieurs reprises à prendre position sur des contrats entre Terminal Normandie MSC (TNMSC), une filiale du groupe de croisières MSC, fondé et dirigé par les cousins de sa mère, et le Grand Port maritime du Havre (GPMH), alors qu’il siégeait au conseil de surveillance de ce dernier. Alexis Kohler était alors, entre 2010 et 2012, sous-directeur de l’Agence des participations de l’État (APE), « une administration placée sous la tutelle du ministère des Finances, incarnant les pouvoirs publics en tant qu’actionnaire ou investisseur », comme le rappelle Le Monde. Rebelotte, lors de son passage au ministère de l’Économie entre 2012 et 2016.

Les journaux se sont évidemment saisis de cette énième histoire pas claire de la Macronie depuis 2017. Mediapart a publié un « récap » de toutes les mises en cause judiciaires dans l'entourage du président de la République depuis le début de son premier mandat. C'est vertigineux.

Cette fois, cependant, ce n'est pas pareil. Alexis Kohler, présumé innocent à ce stade, est le secrétaire général de l'Élysée, le plus proche collaborateur d'Emmanuel Macron, l'un des seuls que le président de la République trouve, de son propre aveu, plus intelligent que lui. Il fait partie de ces technocrates, élus par personne, dont le pouvoir est tentaculaire.

Qu'a répondu Emmanuel Macron ? Qu'Alexis Kohler avait « toute [sa] confiance ». Et d'ajouter qu'il travaillait nuit et jour (et pas jour et nuit, ça a son importance : ça veut dire qu'il reste tard au boulot) au service de l'État. Vendredi 7 octobre, au détour d'une conférence de presse, il a même affirmé que sa décision était légitime. Il avait « en même temps » affirmé le contraire en 2017, lorsqu'il disait qu'il y avait, dans la classe politique, un devoir d'exemplarité et que, donc, un ministre mis en examen ne pouvait rester ministre. Il est vrai que Kohler n'est pas ministre. Il est plus que cela…

Cette affaire poursuit Kohler depuis 2018. Macron l'avait déjà sauvé une première fois en le disculpant totalement, dans une lettre adressée au parquet financier sur papier à en-tête. Il fallait oser. On ne voit pas comment il pourrait être inquiété cette fois. La Justice indépendante fera son travail, bien sûr.

Pressions, sans avoir l'air, sur les magistrats, dénégations en bloc, confiance en soi écrasante, appuyée sur le pouvoir. La famille serre alors les rangs autour du consigliere, ce personnage discret et travailleur, bras droit et conseiller du « parrain », inquiété parce que c'est lui le « techno », le juriste. C'est Tom Hagen, dans Le Parrain, auquel Robert Duvall prêta ses traits. La Macronie n'est pas une mafia, chacun le sait : c'est un groupe social honnête, transparent, amoureux de la France et dévoué au bien public.

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09 octobre 2022 à 13:31

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28 commentaires

  1. ET on nous critique quand nous crions : Tous pourris ! Ils le prouvent tous les jours . Il l’avait dit Macron que les « mis en cause  » devraient se retirer du gouvernement . En réalité , ils s’incrustent avec la bénédiction du chef . Alors , « tous pourris » ? Ben oui … Qu’ils nous prouvent le contraire !

  2. Petit complément sur affaire STX : Fin mars 2017, Alexis Kohler participe à une réunion à Bercy, en tant que représentant de MSC, au sujet du rachat de STX France, MSC étant opposé à une reprise par le groupe public italien Fincantieri. A Bercy face à ses anciens collègues, à quelques semaines de l’élection présidentielle, alors qu’il roule pour Macron.

  3. Aussi loin que l’on se retourne depuis au moins 40 ans, il y a bien eu des scandales en Politique, mais depuis 2017, je crois que la coupe est pleine….Du temps de Mitterrand il y avait notamment eu cette fumeuse pour des milliards, mais là ça crève le plafond. Et la France descend aux Enfers

  4. On se souvient que la reprise de STX sur la base d’un contrôle majoritaire par l’Italien FINCANTIERI avait été négociée en 2016 par le gouvernement français après qu’il se fut avéré impossible de constituer un tour de table français pour racheter la société STX France dont la société mère coréenne était en faillite. Après son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron remet cependant en cause l’accord signé par son prédécesseur. Pourquoi . On a dit qu’il s’agissait de l’intérêt stratégique de la France. Le même intérêt stratégique national sans doute qui avait justifié la cession des turbines d’ALSTOM ou le savoir-faire de TECHNIP ? Hum, hum ! . La réalité pourrait sans doute être plus prosaïque. Qui ne voulait que STX tombe sous le contrôle de FINCANTIERI lui-même contrôlé par l’Etat italien ? Qui en 2016 avant la faillite de sa maison mère avait commandé à STX 4 navires , pour une somme totale de 4 milliards d’euros ? Qui avait intérêt à affaiblir (grâce au gouvernement français) puis à écarter (grâce à la commission de Bruxelles) la position de FINCANTIERI dans STX ? Réponse : MSC et la famille Aponte. La famille. De qui au juste ?
    Pensez que l’UE est allé soutenir que selon elle, cette opération avec FINCANTIERI était susceptible de réduire la concurrence sur le marché de la construction navale de croisière, qui se limiterait de facto à un duopole en Europe : Fincantieri et le groupe allemand Meyer Werft. Selon Bruxelles, il en résulterait une hausse des prix des navires et l’innovation en pâtirait. La belle blague !

  5. « La Justice indépendante fera son travail, bien sûr. » J’imagine que c’est de l’humour (noir). Tout comme « La Macronie n’est pas une mafia, chacun le sait ».

  6. Tous ces gens au pouvoir et de pouvoir sont rompus à tout et rien n’arrêtera ,ces corrompus. Merci trois fois Macron aujourd’hui cela m’aide pour mon régime, il me coupe l’appétit

  7. « Des contrats entre MSC et le port du Havre » ? Des relations avec ce cher « Edoaud PHILIPPE » ? A suivre …….

  8. C’est bien connu les requins ne se mangent pas entre eux. Macron aurait dû être vendeur de crêpes car il a l’art de les retourner. Tout dans la langue rien dans les actes. Si l’on compte le nombre de politicards mis en examen ayant des casseroles on pourrait monter un grand restaurant nommé  » aux hypocrites réunis ».

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