Guillaume Bigot : « Le front républicain contre le RN est un réflexe corporatiste et anti-démocratique »

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A quelques heures de la fin de la campagne des régionales, plusieurs figures de la gauche, de LREM, ou de LR réactivent le front républicain contre le RN. Guillaume Bigot estime qu'"on peut reprocher beaucoup de choses au RN, mais pas d'être anti-républicain".

 

 

Qu’est-ce que le front républicain que l’on voit depuis plusieurs décennies dans la vie politique ?

C’est une sorte de regroupement de tous les partis politiques contre le Rassemblement national. Cela a commencé du temps du Front national, lorsque ses discours et en particulier celui de son président soulevaient des questions d’éthique républicaine, ses mauvais jeu de mots étaient désagréables pour un républicain bon teint. Depuis la purge, l’éviction du père et des brebis galeuses et le recalage du Rassemblement national avec un discours authentiquement républicain, on peut reprocher beaucoup de choses à Marine Le Pen et au rassemblement national, on peut contester son diagnostique et ses propositions, mais on ne peut pas le faire d’un point de vue républicain.
Ce front républicain est une usurpation, car il est question d’intérêt politique ou partisan, mais pas du principe même de la république dans cette manœuvre.
Depuis longtemps, on a vu un cordon sanitaire autour de l’extrême droite. Sous la IVe République, il y avait une pratique un peu oubliée que l’on appelait les apparentements : lorsque les partis dominants c’est-à-dire, c’est-à-dire le parti communiste et le RPF gaulliste était archi dominant dans l’opinion publique, tous les autres partis étaient obligés de se grouper entre eux en se drapant dans les grands principes de la république.

On a cette volonté de front républicain pour faire battre le RN et en même temps On se plaint du désintérêt des électeurs qui est peut-être une des conséquences du front républicain. Ils ont le sentiment de vol d’élections car les listes RN qui se retrouvent au premier tour sont finalement battues grâce à des alliances contre nature.

Exactement, c’est d’autant plus vrai dans un scrutin régional où les fusions de liste sont autorisés pour le deuxième tour. Lorsque personne n’atteint la majorité absolue pour le premier tour, on a ce mécanisme dans lequel des formations très différentes sont obligées de se regrouper. Cela alimente l’abstention car les électeurs considèrent que LFI n’a rien à voir avec LR ou autres… tous ces partis qui ont des propositions incompatibles vont finalement d’un seul coup se retrouver d’accord. On voit que l’enjeu est moins de défendre la république que de défendre leurs prébendes, c’est une forme de corporatisme de politiciens professionnels que le général De Gaulle appelait les politichiens. Ils trouvent un moyen de maintenir leurs positions quitte à faire de la place sur leur liste pour ceux de la liste d’à côté. Il y a quelque chose d'anachronique dans ce front républicain, et même quelque chose de psychanalytique car les gens qui appellent à ce front républicain sont les mêmes qui ont effacé le résultat du référendum démocratique de 2005. Ils ne cessent de battre en brèche la souveraineté populaire en refusant d’organiser des référendums, de peur de les perdre et se proclament d’une souveraineté européenne parfaitement illégale voire inique eut égard aux principes républicains.

De plus ces partis qui se réclament de la gauche et comptent les gens en fonction de la couleur de leur peau s’attaquent à la racine des principes de la république. Il y a quelque chose de profondément antirépublicain. La république est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, c’est indissociable de la démocratie et ce réflexe corporatiste de s’allier pour éviter d’être battu par la majorité est antidémocratique. On est prêt à tout pour que le meilleur ne l’emporte pas.

Le RN est-il antidémocratique et antirépublicain ?

S’il était antidémocratique et antirépublicain, il suffirait de l’interdire comme dit Michel Onfray. On interdit bien les groupuscules qui portent atteinte aux principes de la république. Il y a différentes formes d’anti république : les mouvements monarchistes qui voulaient remplacer la république par la monarchie, ou les communistes avec la dictature du prolétariat et l’Union européenne.
On peut reprocher beaucoup de choses au Rassemblement national, mais pas d'être antirépublicain.
Ils se garderont bien de supprimer le Rassemblement national pour une simple raison, ce Rassemblement national leur donne encore un minimum de contenance. Cette histoire de front républicain fonctionne comme une prophétie auto réalisatrice : à force de crier au loup ils le font venir. S'ils étaient vraiment convaincus de ce danger pour la république, ils ne s’y prendraient pas ainsi. Ils n’ont plus d’autres projets politiques que de faire barrage au Rassemblement national. Ils ne cessent de mettre le Rassemblement national au cœur du jeu démocratique et ils alimentent ainsi le discours du Rassemblement national.

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Guillaume Bigot
Politologue et chroniqueur

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