Guerre douanière américaine : L’Europe ne compte pas

Depuis son élection, les réalisations concrètes de Trump ont été plus « républicaines » que populistes. Ainsi de son programme massif de déréglementations ou de ses baisses d’impôts accordant un avantage permanent aux entreprises, tandis que celles accordées aux familles – son leitmotiv électoral - ne sont que temporaires, car sujettes à révision en fonction de l’état des finances publiques.

Sa politique de grands travaux d’infrastructures n’intéresse pas les bailleurs de fonds des élus du Congrès, ni ses ambitions de contrôler l’immigration : après tout, lui dit l’establishment, puisque le chômage est au plus bas (vrai !) et ce, y compris au sein des minorités ethniques (vrai !) et que la croissance a repris (vrai !), pourquoi se priver d’esclaves importés du tiers-monde, principalement sud-américain ? Et puisque la Russie est faible, pourquoi ne pas la vassaliser une fois pour toutes afin de contrôler ses richesses boréales et, ainsi, bloquer la Chine dans sa course à l’énergie russe ?

Parce que les Américains des centres industriels sont victimes de la mondialisation, a répondu Trump pendant sa campagne, et que cette désindustrialisation a un impact catastrophique sur la balance commerciale. Cela explique l’actuelle guerre picrocholine sur les tarifs douaniers de l’acier et de l’aluminium, lancée par Trump à la plus grande horreur de l’establishment républicain. Après tout, Trump considère haut et fort que les guerres commerciales sont plus faciles à gagner que les expéditions coloniales des Bush.

Le speaker de la Chambre Paul Ryan a réagi : "Je ne suis pas d’accord avec cette décision [ndlr : les tarifs acier-aluminium imposés à l’Europe]. Au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes [...] la décision d’aujourd’hui cible des pays alliés alors que nous devrions tout mettre en œuvre avec eux pour mettre fin aux pratiques inéquitables de pays tels que la Chine. Il y a d’autres moyens d’aider les consommateurs et travailleurs américains, et j’ai l’intention de travailler avec le président ces options préférables."

Cette réaction est symptomatique d’une récente évolution au sein de l’establishment, qui pivote maintenant de la Russie vers la Chine. La « carte russe » a fait son temps puisqu’elle a efficacement provoqué une remarquable machination judiciaire, laquelle a fait de Trump l’otage des néoconservateurs. Cependant que la Chine « se hâtait lentement » dans la poursuite de sa propre hégémonie, ayant jusqu’ici refusé de rentrer dans le jeu du G2 (le "groupe des deux", inspiré par les thèses néoconservatrices de Zbigniew Brzeziński, et constamment proposées aux Chinois depuis 2005).

Or, les Chinois n’entendent pas servir de partenaires mineurs au sein d’un tel condominium, préférant la méthode saoudienne : l’enrichissement personnel des élites américaines pour gagner un temps géopolitique précieux. Dans ce contexte, Trump, fondateur de la Trump Organization, est idéal. Il utilise la confrontation tarifaire dans un but politiquement pratique : les Européens n’ont rien à lui offrir, les Chinois, si ! Un traité de paix pan-coréen ferait de Trump le leader incontestable des États-Unis. Cela explique sans doute la récente modération constatée lors des discussions commerciales en cours entre les délégations sino-américaines.

Trump a misé sur trois priorités : la Chine, Israël, les Saoudiens. Les Européens, imbibés d’atlantisme, vont-ils enfin comprendre leurs intérêts géopolitiques ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:43.
André Archimbaud
André Archimbaud
Consultant stratégique

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