Gilets jaunes : « Un banquier d’affaires ne peut comprendre les besoins du peuple »
À l'heure où cet article est écrit, il est difficile de savoir comment se terminera la journée du 8 décembre. D'après les chaînes d'information continue, la matinée fut relativement paisible sur les Champs-Élysées, malgré quelques moments de tension : on expliquait que de nombreuses interpellations préventives avaient eu lieu en amont et que le dispositif mis en place par le ministre de l'Intérieur semblait efficace. Christophe Castaner, qui joue son poste dans cette affaire, devait commencer à se pavaner.
En début d'après-midi, on vit apparaître, non plus des gilets jaunes, mais des individus casqués et cagoulés, tout vêtus de noir, provoquant les forces de l'ordre, tentant de dresser des barricades ou allumant des incendies. Apparemment, ils n'avaient été ni repérés ni appréhendés. Puis on apprit que les troubles s'étendaient dans plusieurs quartiers de Paris.
On entendit sur une chaîne un "historien spécialiste des mouvements sociaux" dénoncer complaisamment des groupes organisés d'extrême droite, qui voulaient à tout prix en "découdre", ajoutant, quelque temps après, tant la désinformation paraissait flagrante, que tout dépendait de l'endroit où l'on se trouvait. De fait, la plupart des journalistes, tout comme les téléspectateurs, remarquaient surtout la présence de militants d'ultra-gauche, anarchistes et antifas.
Ce que tous pourraient reconnaître, c'est que le slogan le plus populaire des manifestants était, de nouveau, "Macron démission !" Deux déclarations de gilets jaunes, qui n'avaient pas l'air d'excités, expliquent ce souhait, laconiquement formulé. L'un répondait à un journaliste qu'on est "au bout du système" ; l'autre, qu'"un banquier d'affaires ne peut comprendre le peuple français". Emmanuel Macron, qui devrait prendre la parole lundi ou mardi (ou peut-être avant ?), ferait bien de méditer ces propos. Il ne peut se contenter de condamner les violences et de proposer des réunions de concertation au niveau des régions, des départements, voire des municipalités. Des cahiers de doléances ne sont justifiés que si l'on s'engage à les étudier et à infléchir sa politique.
À considérer son attitude depuis qu'il est au pouvoir, son arrogance et son mépris, sa certitude d'avoir raison, il est peu probable que ce soit le chemin qu'il emprunte. N'ayant pas réussi à disqualifier le mouvement de révolte, ayant cherché à le diviser en distinguant les gilets jaunes "raisonnables" des "radicaux", il aimerait que la contestation se perdît dans des bavardages sans fin pour mieux souligner les contradictions entre les revendications et, finalement, ne rien changer.
Il répétera, sans doute, comme il l'a déjà fait, qu'il n'est pas infaillible – ça ne mange pas de pain – mais n'infléchira pas en profondeur sa politique. Pourtant, lui qui s'intéresse à l'Histoire, il devrait prendre exemple sur de Gaulle, qui recherchait constamment l'assentiment du peuple en le consultant et quitta le pouvoir en 1969, quand il fut désavoué.
Au-delà des questions de pouvoir d'achat, ce que demandent les Français qui manifestent, ce n'est pas une accélération des réformes : c'est un changement de politique ou, tout au moins, une inflexion profonde, une prise en compte de la volonté du peuple. Ils ne veulent pas d'une démocratie formelle qui s'arrange pour satisfaire d'abord l'oligarchie de l'argent. Ils ne veulent pas d'un banquier qui fait les affaires de la finance avant de s'occuper des affaires des Français.
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