Il faut extirper la violence de l’école !

La violence à l’école : les médias n’évoquent ce fléau qu’à l’occasion d’un fait divers tragique ou d’une enquête rendue publique, mais passent sous silence le quotidien de certains établissements : la violence est devenue ordinaire, on s’y est habitué. 

Le Parisien du 20 septembre a consacré un dossier à ce phénomène. Les chiffres sont éloquents : près de la moitié des élèves interrogés, scolarisés dans des collèges ZEP, déclarent avoir été témoins "d'actes de cruauté ou d'humiliation" dans la cour. 20 % ont fait l’objet de violences physiques, 40 % de moqueries ou d’insultes.

Selon les données de la Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (DEPP), 442 incidents graves en moyenne sont recensés chaque jour : les violences verbales ou physiques tiennent le haut du palmarès ; suivent les vols et le vandalisme, la consommation et le trafic de stupéfiants, le port d'arme blanche ou d'objet dangereux.

Et encore, c’est une estimation basse ! Théoriquement, les incidents les plus importants doivent être signalés. Entre 2001 et 2006, le logiciel Signa (Signalement des actes de violence) permettait de les recenser. Mais il était décrié ou boycotté par des chefs d’établissement, car jugé trop complexe et trop subjectif. Ce qui a conduit à des phénomènes de sur-déclaration ou, au contraire, de sous-déclaration.

À la rentrée 2007, Signa a été remplacé par SIVIS (Système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire). Le ministre de l’époque, Gilles de Robien, dénonçait aussi l’augmentation des agressions contre les enseignants et l’imputait, à juste titre, aux "dérives soixante-huitardes qui ont mis l'élève-roi au centre du système" (cité par Le Figaro). Mais la violence a continué.

Le 16 décembre 2005, souvenez-vous, une enseignante d’arts plastiques avait été poignardée, à sept reprises, par un élève. Tout récemment, à proximité de son lycée, une adolescente a reçu des coups de couteau d’une camarade. À Calais, un lycéen a cassé la mâchoire de son professeur en plein cours… Des élèves, des personnels de direction, des professeurs agressés : c’est devenu monnaie courante.

Sans compter que des élèves hésitent à se plaindre par crainte de représailles. Tout comme des professeurs, par crainte de ne pas être soutenus. En outre, la concurrence entre les établissements pousse certains principaux ou proviseurs à ne pas faire remonter les incidents : pour ne pas attirer l’attention sur leur collège ou leur lycée et ne pas nuire à leur carrière.

Des chercheurs expliquent que ce climat de violence nuit à la sérénité des études et dégrade l’attractivité des établissements concernés : on s’en serait douté. Pussent-ils proposer aussi des solutions efficaces ! Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, on fait preuve d’un angélisme et d’une indulgence coupables. Pour les perturbateurs, les sanctions sont le plus souvent des trophées et les exclusions temporaires des vacances. Vient-on à les exclure définitivement ? Il faut leur trouver un nouvel établissement.

Certains cèdent à l’air du temps : c’est tout juste s’ils ne considèrent pas le coupable comme une victime de son milieu social et du système scolaire. D’autres, plus responsables, préconisent des dispositifs de sécurité aux abords des établissements, des équipes éducatives plus stables, un travail collectif pour lutter contre ce mal, des personnels supplémentaires. Toutes ces mesures seraient sans doute utiles, mais ne sont que des palliatifs à une crise générale de l’autorité.

On peut essayer d’éduquer les sauvageons de tout poil, ne serait-ce que pour limiter la contagion. Mais les délinquants et les criminels avérés n’ont pas leur place parmi les élèves qui veulent s’en sortir par l’instruction. Ils doivent être mis dans des structures adaptées où on leur apprend, avec rigueur et sans complaisance, les rudiments de la vie en société.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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