[Expo] Nicolas de Staël, figuratif et sensitif
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Le Musée d’art moderne de Paris consacre à Nicolas de Staël (1913-1955) une exposition chronologique - débuts figuratifs, abstraction, retour aux choses - jusqu’à son suicide à 41 ans. Un destin tragique ? Sa famille fuit la Révolution russe en 1917 (baron Nikolaï Vladimirovitch Staël von Holstein aurait été une signature trop longue pour un tableau). Il perd ses parents très jeune. Cependant, le peintre connaît, au début des années cinquante, un succès indéniable qui lui apporte une confortable situation financière, avec tout ce que la reconnaissance confère d’assurance et d’encouragement (en cela, la comparaison parfois faite avec Van Gogh est abusive).
Peut-on dire, comme le fait l’exposition, que « sa pratique de peintre s’inscrit dans une France de l’après-guerre où la dispute entre partisans de l’abstraction et défenseurs de la figuration fait rage » ? Pas vraiment. À cette date, les choses sont pliées, les figuratifs font figure de passéistes, autant dire de ringards. Ces années, le critique Étienne Fouilloux les appelle « les neuf Glorieuses de l’abstraction (1949-1957) » au cours desquelles « l’"invasion" abstraite n’est pas un mythe ». Nicolas de Staël lui-même surnommera les forcenés d’un progressisme artistique auquel il était étranger le « gang de l’abstraction avant ». Il fallait donc au peintre du courage et l’honnêteté artistique qui était la sienne pour revenir à la figuration début 1952.
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À vrai dire, même dans sa période abstraite, le réel affleure derrière les formes vigoureusement condensées dans des noirs magnifiques et des gris colorés. Ce sensitif ne se retrouvait pas dans l’intellectualisme qui préside au refus de la représentation du monde. « Les choses communiquent constamment avec l’artiste pendant qu’il peint, c’est tout ce que j’en sais. » C’est déjà beaucoup, de savoir cela.
Des genres qu’il a pratiqués, à côté des nus et des natures mortes, le paysage est la source principale d’inspiration de Staël. Dans une attitude quasi rétrograde, XIXe siècle, il consacre une partie de l’année 1952 à peindre sur le motif ! Parcourant l’Île-de-France (Mantes, Chevreuse, Fontenay-aux-Roses…), il étudie les vastes étendues d’un vert éteint sous un ciel plombé. Ce n’est pas l’impression d’un instant qu’il cherche à restituer, plutôt une synthèse de ce que le panorama offre de plus durable. « Le temps qu’il fait » n’est qu’accessoire. Les années suivantes, ce sera la Grèce, l’Italie, avec les toiles extraordinaires où le ciel est un violet de cobalt (Agrigente) ou un vert amande (Sicile). Sur la mer, à Marseille, il est vermillon.
La dernière période de Staël est riche en promesses. Le retour aux choses est flagrant, avec Saladier (presque impalpable), avec Étagère où s’alignent cafetière, moulin, oranges… Tout cela dépouillé, réduit à l’essentiel, et pourtant savoureux, telle qu’est la réalité. Il retrouvait ce « langage direct » dont il parle dans une confidence à son ami René Char : « Tu m’as fait retrouver d’emblée la passion que j’avais, enfant, pour les grands ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d’un langage direct. »
5 commentaires
Exposition absolument magnifique, à voir et à revoir !
A voir ……
Influencé par Braque, il s’est perdu dans sa période abstraite. On s’extasie mais ça vaut peu. L’avant et l’après, qui courrouça Braque, au point qu’il fut exclu des abstraits, sont superbes. Il s’est beaucoup cherché, trop peut-être, et a trop douté.
« Il s’est beaucoup cherché, trop peut-être… » Très juste formule.
L’abstrait le faisait vivre, puisqu’il se vendait très bien aux USA (on pourrait dire sur le goût américain). Mais les études de couleurs, ne valent pas – de loin – celles de Sonia Delaunay, tellement plus intéressantes.