Exemption du passe sanitaire : les policiers et députés ne sont-ils pas tenus de « sauver des vies » ?

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Les routiers, les policiers et les députés : ce sont les heureux gagnants de la loterie gouvernementale qui les dispense de détenir le passe sanitaire pour aller travailler.

Ainsi, les routiers, dont on connaît la puissance de blocage du pays lors de fameuses « opérations escargot » aux abords des grandes métropoles françaises, peuvent se contenter de présenter une carte professionnelle pour aller déjeuner dans les restaurants routiers. Sillonnant l’Europe en tous sens, ils sont donc considérés comme ne transmettant pas la fameuse maladie.

Les policiers ? Alors que, depuis le 30 août, quelque deux millions de personnes travaillant au sein de professions « en contact avec le public » sont soumises au passe sanitaire « pour sauver des vies » sous peine de suspension de contrat de travail et de salaire, les forces de l’ordre en sont exemptées… pour aller contrôler ceux-là mêmes qui ont été obligés de se faire vacciner. Les gendarmes, eux, sont soumis à l’obligation vaccinale, mais aussi à la police de l’arrière-pensée : interdiction leur est faite d’émettre la moindre réserve, même en privé, sur la gestion de la crise sanitaire. Ils font partie de l’armée mais sont rattachés au ministère de l’Intérieur - c’est leur double peine. Ils ne sont évidemment pas syndiqués.

Pour les policiers, en revanche, c’est donc « open bar ».

Les raisons de cette exemption sont évidentes et multiples. En effet, les syndicats de police sont puissants, et la base mécontente : les petites phrases, maladresses et provocations d’un Emmanuel Macron ou d’un Éric Dupond-Moretti ne sont pas forcément encore digérées. Surtout, l’option préférentielle pour les délinquants, affichée depuis au moins une vingtaine d’années par le pouvoir exécutif, mais aussi législatif et souvent judicaire – voir, à ce titre, les travaux très éclairants du docteur Maurice Berger –, nourrit et alimente une certaine rancœur - c’est un euphémisme - des policiers vis-à-vis de ceux qui leur donnent des ordres. « Pour l’heure, Gérald Darmanin préfère l’incitation à la coercition », rapporte Le Point.

De plus, dans un pays où, six semaines d’affilée pendant les vacances d’été, des manifestations se sont tenues partout en France contre le passe sanitaire obligatoire, il ne faudrait pas, en cette année d’élection présidentielle, que les forces de l’ordre soient amenées à se poser trop de questions quand il faudra siffler la fin de la récré. Or, plus que jamais, Emmanuel Macron doit se présenter comme le candidat du parti de l’ordre pour ses électeurs – classe moyenne aisée, retraités - qui, dans leur ensemble, plébiscitent le passe sanitaire.

Et les pompiers ? Cette différence de traitement a du mal à passer : « Pourquoi nous et pas eux ? Après tout, nous intervenons sur les mêmes lieux, avec des missions proches », argue le syndicat SUD SDIS, interrogé dans Le Point. On attend de voir quand et comment les policiers contrôleront les pompiers. Toujours creuser les fractures, mettre du sel sur les plaies semblent tenir lieu de stratégie politique pour Emmanuel Macron.

Il y a, enfin, le cas des parlementaires qui ne sont pas soumis à l’obligation du passe sanitaire.

« L’Hémicycle n’a pas vocation à accueillir du public. » Ces propos d’un proche de Richard Ferrand, rapportés dans Le Point, sont assez étranges : l’Hémicycle accueille normalement 577 personnes pour voter les lois, dont celle du passe sanitaire. L’absentéisme parlementaire quasi systémique a-t-il été pris en compte dans cette exemption ? « L’exemplarité, un mot que l’on a tendance à mettre à toutes les sauces, consiste d’abord à se soumettre à la loi, ce que font les députés et les sénateurs… » qui votent ces mêmes lois ! On a rarement vu sophisme plus parfait, un vrai cas d’école ! Ces propos prêteraient à rire s’ils n’étaient pas proprement scandaleux, quand on voit la pression morale et le chantage au patriotisme exercés sur la population française pour qu’elle se fasse vacciner.

Ce que toutes ces exemptions signifient, c’est que le discours dominant sur le passe sanitaire est fallacieux sur le plan éthique, mensonger sur le plan médical, et que le gouvernement lui-même y croit assez peu.

Alors, à quoi sert donc cette obligation du passe sanitaire ?

 

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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