Nos ancêtres ont connu la « ligne bleue des Vosges »… qu’il fallut dépasser au prix du sang. Aujourd’hui, Vladimir Poutine met en garde ses rivaux étrangers de ne pas « franchir de ligne rouge » avec la Russie. Ce n’est pas un relent de bolchevisme rouge mais un avertissement loyal et un appel à leur bon sens. Mais en ont-ils ?

Et le président russe de souligner, mercredi dernier, dans son discours à la nation, que « nous nous comportons dans l'ensemble avec retenue et de manière modeste, souvent ne répondant même pas aux actions inamicales voire même à des grossièretés flagrantes », avec sans doute une pensée pour son nouvel homologue américain qui l’a traité, naguère, de « tueur » et pour les lilliputiens de l’Union européenne dont il attend encore, en bon Moscovite pratique, qu’ils lui donnent leur nombre de divisions blindées !

Les espaces mouvants qui fracturent le nouveau monde géostratégique n’ont rien de rassurant. Toujours poussés au piège de Thucydide par le jeu de go chinois conforme au vieux principe politique selon lequel « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », les États-Unis semblent multiplier les erreurs par un aveuglement idéologique d’un autre temps : celui de la guerre froide (1945-1991). Brutalité diplomatique de l’administration Biden qui force la Russie à se rapprocher d’une Chine qui vient juste de se rallier l’Iran.

La rivalité actuelle des superpuissances n’est en rien celle du passé. Tout en regrettant que la Russie du début du XXIe siècle ne soit plus que l’ombre de l’Union soviétique – avec une économie à peu près équivalente à celle de l’Italie –, Poutine peut compter sur le combat sino-américain pour l’hégémonie mondiale pour peser dans la balance stratégique. Avec des atouts technologiques majeurs !

La Russie mettrait au point des « armes de rupture » qui deviendraient vite imparables. Quèsaco ? La technologie dite de « rupture » est celle qui, par son innovation, condamne, à terme, les moyens antérieurs. En juin 2020, déjà, le Kremlin annonçait la mise en service opérationnelle du missile hypersonique Avangard, embarquant des ogives nucléaires, et prenait de court les autres puissances travaillant au même type de projet (États-Unis, Chine, Japon et France). Boris Laurent le présente comme « un planeur hypersonique dit à "glissement", capable de voler au-delà de Mach 20 » et pouvant, par sa vitesse, « percer les systèmes antimissiles adverses ».

Mais l’arme de rupture la plus terrifiante serait le Poséidon 2M39, une « super torpille » nucléaire de 24 mètres de long, mise en œuvre depuis le sous-marin K-329 Belgorod, 100 fois plus puissante que la bombe d’Hiroshima, capable d'engendrer des « tsunamis radioactifs » sur les côtes ennemies et, pour l’heure ,en phase de tests, selon CNN. Imaginons un instant un New York ou un Los Angeles dévastés après un raz de marée irradiant, à l’image de la ville morte du film The Omega Man (Le Survivant) ! De la fiction à la réalité…

Ainsi, au moment où elle déploie 100.000 hommes à la frontière ukrainienne et que l’Union européenne craint « un incident », la Russie poursuit sa heavy metal diplomacy, selon l’expression du chercheur britannique Mark Galeotti : une manifestation de force visant à démontrer sa capacité de riposte et son retour actif sur la scène de la dissuasion nucléaire.

On l’aura compris, ce système de modernisation militaire est très onéreux et souffre de l’affaiblissement actuel de l’économie russe. Son aboutissement est pourtant la condition de la puissance et, de ce fait, inquiète les Américains dont l’intransigeance a rapproché Moscou de Pékin. Une relation déséquilibrée au détriment de la Russie dont ne veut pas non plus Poutine. S’il a conclu qu’avec l’Occident, il déterminerait lui-même où passerait la « ligne rouge », il reste persuadé que le dialogue avec Washington est plus que jamais nécessaire. Question d’équilibre. Moralité : pas de tsunami nucléaire à l’horizon !

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25 avril 2021 à 14:34

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