Dans un rapport explosif qu’il vient de remettre au Président Macron, l’économiste Jean Pisani-Ferry, l’un des principaux artisans du programme macroniste pour la présidentielle de 2017, chiffre le coût de l’adaptation de la France aux objectifs environnementaux entre 250 et 300 milliards d’euros de dette supplémentaire en cumulé, en 2030. Denis Payre, entrepreneur de la transition énergétique (Business Objects, Kiala, Nature and People First), ancien président de CroissancePlus et ancien candidat à la primaire LR, réagit en exclusivité pour Boulevard Voltaire.

Marc Baudriller. Cet objectif vous paraît-il légitime d'une part et, d’autre part, réalisable ?

Denis Payre. La transition énergétique va coûter cher à tous les pays, et notamment à la France. La question, c’est comment on finance cette transition et comment on l’exécute. Sur son financement, vouloir recourir, comme le veut Jean Pisani-Ferry, uniquement à la dette et aux impôts, c’est extrêmement dommage dans un pays qui ne fait que cela depuis quarante ans et qui a aujourd’hui la dépense publique la plus élevée au monde parmi les pays développés. La première marge de manœuvre, c’est de mieux maîtriser notre dépense publique : nous atteignons 57 à 58 points de PIB de dépense publique pour faire la même chose que nos voisins, et le faire souvent moins bien ! La marge de manœuvre est là, avant toute chose. Les dépenses sociales sont très mal maîtrisées, avec beaucoup de gaspillages, dénoncés très largement par le magistrat Charles Prats (interviewé cette semaine par BV, NDLR). Il y a, bien sûr, cette bureaucratie excessive, épinglée régulièrement par l’OCDE, notamment la bureaucratie administrative de nos hôpitaux. J’ai vu, d’ailleurs, que Bruno Le Maire s’était inscrit en faux : il a raison, il faut trouver d’autres façons de financer cette transition. Et faire en sorte qu’elle crée des emplois chez nous, pas en Chine !

M. B. Pour M. Pisani-Ferry, la neutralité climatique est atteignable et sera pilotée d’abord par les politiques publiques. Cela vous a fait bondir…

D. P. Oui, j’ai cru que c’était un « fake », une blague du Gorafi ! Cette opinion est totalement déconnectée. Bien sûr, il faut de la régulation et des cadres réglementaires simples et attractifs. En matière de transition énergétique, les entrepreneurs ont le choix entre tous les pays du monde qui mettent en place des cadres réglementaires pour accélérer cette transition. Aujourd'hui, les États-Unis ont un cadre réglementaire très attractif. Le cadre français est l’un des plus compliqués. Ensuite, il faut également s’appuyer sur les innovateurs, les entrepreneurs et les investisseurs. Des hauts fonctionnaires qui voudraient réaliser la transition énergétique tout seuls n’y arriveraient pas. C’est impensable ! Il faut travailler main dans la main.

M. B. Quelle doit être la place de l'État dans la transition énergétique ?

D. P. Nous avons besoin d’un État qui impulse les choses, à la différence des révolutions industrielles précédentes. Par le passé, l’État a très bien accompagné les révolutions industrielles, dans un dialogue permanent et partenarial avec les entrepreneurs, les innovateurs et les investisseurs. Aujourd’hui, nous avons besoin de la même démarche. Cette déclaration de Pisani-Ferry est hors-sol, c’est une négation complète de ce qui fera le succès de la transition énergétique. Si on continue comme ça, la transition énergétique, chez nous, n’aura pas lieu ou bien elle n'aura lieu qu’avec des produits chinois. Et les entrepreneurs français auront quitté le pays. Je suis un développeur de la transition énergétique, je suis au cœur de ces sujets. Que ce soit au niveau de l’État ou de certaines collectivités, je rencontre des gens pragmatiques, qui ont compris que ce travail se fera en partenariat entre les acteurs publics et les acteurs privés.

M. B. Jean Pisani-Ferry préconise la mise en place d’un impôt exceptionnel et temporaire sur le patrimoine financier des 10 % de Français les plus aisés qui rapporterait 5 milliards d'euros par an. Quelles seraient les conséquences de cet d’impôt ?

D. P. Cet impôt est un nouvel ISF, qui se sert du prétexte de la transition énergétique pour revenir par la fenêtre. Je rappelle que c'est Emmanuel Macron qui a supprimé l'ISF, même s'il reste l'IFI sur l’immobilier. C'est une décision historique qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait eu le courage de prendre. Pisani-Ferry essaie de nous ramener l'ISF qui a délocalisé toute une génération d’entrepreneurs et a fait perdre à la France une création de richesse colossale. Taxer les 10 % les plus riches, c'est taxer beaucoup d’actifs investis dans l’économie : des actions de société qui souvent ne rapportent rien et fluctuent en permanence. J’étais dans cette situation à une époque et j’ai dû quitter le pays car, si je restais, je risquais la faillite personnelle. Je suis parti pendant dix ans en Belgique. Veut-on cela à nouveau ou veut-on garder nos entrepreneurs pour essayer d’avoir une transition énergétique qui se déroule chez nous rapidement avec le maximum de créations d’emplois ?

M. B. Vous ne faites pas confiance à l'auteur de ce rapport ?

D. P. M. Pisani-Ferry est quelqu’un du passé, du siècle dernier, qui ne vit pas dans son temps et n’a pas compris que le monde avait évolué. Ce type de mesures est inadapté au monde actuel et reflète une mentalité dépassée, une vision néo-marxiste de l’économie qui fait de l’entrepreneur un spoliateur, quelqu’un qui réussit au détriment de la société, dont on n'a pas besoin et qu’on ne cherche pas à conserver et à encourager. Heureusement, la France a su tourner la page et Emmanuel Macron y a contribué, même s’il reste l’IFI qui est extrêmement pénalisant pour beaucoup de gens. Il a fait la moitié du chemin.

Entretien réalisé ce 24 mai au téléphone par Marc Baudriller

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24 mai 2023

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31 commentaires

  1. Bizarrement, pour ce genre de bidule on trouve les milliards par centaines. Aucun problème. Mais pas pour le reste. Cela nous conduira finalement à délocaliser la pollution produite chez nous dans des pays tiers comme la Chine. Mais comme, aux dernières nouvelles, la Chine est sur la même planète que la France, cela ne changera rien à l’évolution du climat. Nous allons plomber notre économie, notre industrie, nos emplois et augmenter les impôts. Encore une « grande réussite » de nos brillants dirigeants. A force d’appauvrir la population, on finira bien, par la force des choses, à diminuer notre empreinte carbone …

  2. Engager tout ce processus pour le pays qui pollue le moins au monde ?
    La France est le pays le moins pollueur d’apres les sondages et les graphiques que j’ai pu lire !
    L’automobile represente moins de 15% depuis 1990 et meme en légere baisse au cours des années .
    >>> Et on veut nous faire ch**r avec la pollution ? J’habite a 5m d’un champ mon jardin est mitoyen , l’agriculteur a passé une apres midi a faucher des hectares et jamais je n’ai senti la moindre odeur(de fuel , et oui les tracteurs tournent avec ça ) autre que celle du foin coupé !
    Alors qu’ils arretent de nous stigmatiser avec leurs fakes pour nous piquer encore plus de pognon ! Qu’ils fassent voler leurs jets et leurs yatchs avec du gaz oil non détaxé et on verra !!!

  3. Il faudrait d’abord être certain que les gaz à effet de serre entraînent le réchauffement. Il ne manque en effet pas de scientifiques pour prétendre que c’est l’inverse : en France et entre autres Pascal Richet (normalien, Institut de Physique du Globe de Paris). Mais il semblerait que le GIEC qui bénéficie de la puissance que lui procure l’ONU dont il émane empêche tous les dissidents de s’exprimer. Qui a lu l’un des rapports du GIEC (c’est mon cas) pourra constater qu’il préconise la solidarité entre individus riches et pauvres et entre pays pauvres et riches pour lutter contre le réchauffement. Cela aide à comprendre les motivations de cet organisme qui ne comprend pas de scientifiques.

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