[Entretien] Marcel Mennecier : « Les policiers se sentent abandonnés jusqu’au plus haut sommet de l’État »
La France est atteinte d'un cancer généralisé et l’État n'a pas trouvé ou ne veut pas trouver le traitement.

Marc Eynaud. Vous publiez Policier, un métier dangereux en auto-édition après un premier ouvrage paru chez Laffont en 2020, Flics de France. Pourquoi tant de haine ? . Ce livre fait penser à une sorte de journal de bord d'un policier. Pourquoi avez-vous privilégié ce format ?
Marcel Mennecier. Seul un format du style « carnet de bord » permet de relater le quotidien d'un policier de terrain. De nombreuses interventions ou opérations intéressantes, voire passionnantes, impliquant de courts récits, car souvent réalisées dans le cadre du flagrant délit et dans un délai relativement bref.
M. E. En parcourant votre livre, on est frappé par un paradoxe. Chaque affaire est unique mais l'ensemble forme une sorte de routine. Presque une fatigue latente. Comment l'expliquez-vous ?
M. M. On pourrait effectivement penser que chaque affaire est unique, mais il n'en est rien. La routine n'a pas sa place dans notre profession. Nous la combattons d'ailleurs pour ne pas qu'elle s'installe, car elle peut nous tuer à tout moment, y compris sur les interventions les plus courantes. Chaque opération ou intervention est différente et nous ignorons ce que le jour suivant nous réserve. Aucun risque de sombrer dans la routine. Aucun différend familial ne ressemble à un autre, aucune arrestation ne ressemble à une autre.
M. E. En lisant vos retours d'expériences, on est frappé par la diversité des affaires que vous aviez à traiter. Avec, en toile de fond, un certain laxisme judiciaire. C'est le cœur du problème, pour vous ?
M. M. En ce qui concerne un « certain laxisme judiciaire », il est aujourd'hui évident que ce laxisme est réel, inacceptable et insupportable.
M. E. On voit la France s'enfoncer dans l'insécurité, « l'ensauvagement » pour reprendre le terme à la mode. Est-ce que la police est, d'après vous, armée pour endiguer ce fléau ?
M. M. La police est en mesure d'endiguer le fléau que représentent la délinquance et la criminalité, mais elle est impuissante face à une Justice laxiste, une dangereuse idéologie et un mépris du pouvoir en place. Les policiers se sentent abandonnés jusqu'au plus haut sommet de l’État et savent qu'ils ne bénéficient plus d'aucune protection, y compris de la hiérarchie policière. Avoir une police très efficace et de très nombreux policiers à disposition n'apporte aucune solution face à une délinquance et une violence qui ne cessent de croître. La France est atteinte d'un cancer généralisé et l’État n'a pas trouvé ou ne veut pas trouver le traitement adéquat. Seule une répression policière et judiciaire peut venir en aide à ce pays où le chaos s'installe de jour en jour.
M. E. De toute votre carrière, quel est le fait ou l'opération qui vous a le plus marqué ?
Aucun fait n'est plus marquant que l'autre, dans cette profession. J'ai envie de dire qu'ils le sont tous. Sauver des personnes d'une mort certaine, aider une femme qui accouche sur un trottoir, découvrir des cadavres en état de décomposition avancée, décrocher un pendu qui n'est autre qu'un enfant, voir votre collègue être égorgé et le voir mourir dans vos bras, tout est marquant et laisse des traces qui ne s'effaceront jamais.
Thématiques :
Police
Marc Eynaud
Journaliste à BV
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