Entre Zemmour et Pécresse, Macron doit se faire du souci
La désignation de Valérie Pécresse comme candidate de LR à l’élection présidentielle est intéressante. Elle permet de distinguer les deux niveaux de la politique, celui des idées, des valeurs qui fondent les familles politiques et justifient les clivages entre elles, et celui de la stratégie en vue du pouvoir.
La multiplicité des modes de scrutin, tantôt proportionnels relatifs, tantôt uninominaux à deux tours, en France a empêché le bipartisme. Le coup d’État médiatico-judiciaire, piloté par les amis du Président élu, a augmenté encore la confusion en donnant la majorité parlementaire à un ramassis de socialistes sauvés des eaux, de carriéristes de « droite » saisissant l’occasion et, enfin, d’illuminés de la société civile ayant cru trouver leur « messie », propulsés à l’Assemblée nationale par la réforme qui a situé le vote au lendemain de l’élection présidentielle, que les électeurs ne désavouent jamais aussi vite. On aboutit donc à une multitude de formations politiques issues des scrutins proportionnels et qui viennent se bousculer pour une élection présidentielle à deux tours où ne subsistent, au second, que les deux candidats arrivés en tête au premier.
L’idée d’un homme devant le peuple en dehors des partis, chère au général de Gaulle, a été abandonnée de manière pragmatique pour offrir d’abord un jeu à quatre partis (PCF, PS, UDF, RPR) en raison des deux tours, ce qui était logique. C’est l’éclatement qui culmine aujourd’hui. Un candidat inattendu, Éric Zemmour, correspond assez bien à l’idée gaulliste d’origine : un homme face à la menace existentielle qui pèse sur la France. Ses priorités le situent clairement à droite. Mais deux partis importants sont également à droite : le Rassemblement national, avec Marine Le Pen, et Les Républicains, qui refont surface avec Valérie Pécresse. Le premier n’a, jusqu’à présent, servi à l’élection présidentielle, lorsqu’il atteignait le deuxième tour, que de tremplin pour son adversaire quel qu’il soit. Les déconvenues récentes des élections locales, l’opposition de l’oligarchie médiatico-politique, le souvenir laissé par 2017, la tentative de dédiabolisation qui a eu pour effet de décourager des militants laissaient entrevoir que la mobilisation des électeurs en sa faveur risquait d’assurer la réélection par défaut de Macron. Autrement dit, le vote en sa faveur d’une gauche pourtant hostile à certaines de ses mesures économiques et la concentration du vote patriote dans le choix de Marine Le Pen aboutiraient paradoxalement à faire réélire un homme dont les idées sont minoritaires.
L’irruption d’Éric Zemmour a dissipé le rêve d’une réélection facile pour le sortant. D’une part, il réduit les suffrages de Marine Le Pen, et peut l’exclure du second tour, d’autre part, il redonne une vigueur aux idées que devrait défendre une droite authentique et soucieuse de l’intérêt supérieur de la France, non seulement par la défense de son identité, de sa souveraineté et de la sécurité, mais aussi sur le plan économique. La force et la cohérence de son discours ont réveillé Les Républicains, qui ont accordé la première place au premier tour et 40 % des voix (44.000) au second à Éric Ciotti, dont les idées sont peu éloignées des siennes. Cornaquée par Patrick Stefanini, Valérie Pécresse a musclé ses propositions et utilisera Ciotti pour les rendre crédibles. Il ne serait pas absurde d’imaginer que le parti qui a largement gagné les élections locales, demeure le plus important de l’opposition et dispose de relais dans le pays supérieurs à ceux de ses concurrents place son candidat au second tour de l’élection présidentielle. Le choix d’une femme est habile lorsqu’une démarche s’appuie davantage sur des processus publicitaires que sur des débats de fond. Bref, M. Macron doit se faire du souci. L’électorat de la droite molle qui avait stupidement rallié la Macronie peut se reprendre.
Mais si, d’aventure, Valérie Pécresse, avec du Zemmour adouci, et une personnalité plus rassurante, pouvait être élue, on risquerait évidemment de connaître l’expérience, vécue avec les Chirac et autres Sarkozy, d’une victoire électorale de la « droite » suivie d’une politique alambiquée de mesures tronquées ou retirées devant les réticences. Certes, la politique de quotas d’immigration, déjà envisagée mais non réalisée par Sarkozy, peut satisfaire certains, mais la véritable lutte contre le « Grand Remplacement » passe évidemment par des mesures autrement radicales fondées sur l’abolition du droit du sol, la fin du regroupement familial, la déchéance de nationalité qu’on imagine mal mises en œuvre par la présidente de l’Île-de-France, qui a toujours été plus attachée à une image conformiste qu’à des idées nécessaires mais dérangeantes.
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