S’il est au moins une chose à mettre au crédit d’Emmanuel Macron, c’est au moins celle de faire de la politique, alors que tant de ses homologues européens en sont réduits à s’en remettre aux directives de la Commission européenne ou à faire patte douce devant celles de l’OTAN. Bref, notre Président tente d’exister, en ces temps où l’Europe n’est plus que basset et la France caniche.

D’où la visite, en France, du maréchal égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, élu en de troubles circonstances tout en s’y maintenant en d’au moins aussi contestables conditions. Plus sérieusement, pourquoi un tel rapprochement entre Paris et Le Caire ? Tout simplement parce que la France ne croule pas, ces temps derniers, sous les alliés orientaux.

Au cœur du sujet, la Méditerranée, dont les potentielles ressources gazières se trouvent être actuellement disputées par les puissances régionales, Turquie au premier chef ; mais aussi Liban, Grèce et Israël. Plus important ? Le leadership du monde musulman. C’est là que tout se complique : Ankara est partie pour tenir le maillot jaune en la matière, tandis que Le Caire se verrait bien lui emboîter le pas, fort de son statut de nation arabe la plus peuplée au monde, mais un peu moins armée que son rival turc et sunnite. Ainsi, le maréchal Sissi sait bien que, privé de l’aide financière de Washington et de la bienveillance toute relative de Tel Aviv, sa marge de manœuvre n’est que toute relative ; surtout quand on sait qu’au bout du compte, c’est l’Arabie saoudite qui paye les factures en fin de mois et qui, après avoir circonvenu l’État hébreu, pousse désormais son pion égyptien en avant afin de mieux contrecarrer son rival de Téhéran.

Et la France, dans tout ça ? Si la politique du Quai d’Orsay n’était pas seulement indexée sur les ventes d’armes à Riyad et autres pays limitrophes, évitait de trop se mêler de querelles internes à ces pays, entre Frères musulmans émiratis et salafistes saoudiens, il nous serait sûrement possible de réfléchir à d’autres alliances. Celle, par exemple, avec l’Iran, allié objectif en cette région du monde. Mais cela est une autre histoire.

Au-delà de ces considérations géopolitiques, Emmanuel Macron a longuement échangé avec son homologue égyptien. Pour le nouveau raïs, « les valeurs religieuses doivent avoir la suprématie sur les valeurs humaines », alors que son interlocuteur prétend, lui, que « la valeur de l’homme est supérieure à tout ». Et là, nous y sommes. Choc de civilisations ou non, choc il y a au moins, là, entre deux conceptions du monde : celle où, au-dessus de nos têtes, il n’y a rien, et l’autre voulant qu’il y existe néanmoins quelque chose de plus ou moins défini. Pauvre Macron qui, empêtré dans une culture humaniste manifestement approximative, ne comprend pas ou plus rien de la notion même de transcendance.

Car bien sûr qu’existent d’autres lois mystérieuses que celles régissant notre pauvre condition humaine, même si pas forcément gravées dans le marbre de cette République érigée en forme de totem. Cela vaut pour ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas. Même les « sans-Dieu », communistes et autres sceptiques espéraient en un destin commun, en une parousie collective, sorte de Paradis sur Terre. Les agnostiques parviennent, eux aussi, à théoriser des forces qui les dépassent. Et même les athées, au moment du souffle de vie ultime, se posent des questions.

Éludant cette question, Emmanuel Macron se contente de défendre le droit des moqueurs de se moquer. Il n’est pas sûr que le reître égyptien ait été tout à fait convaincu, ayant sûrement constaté qu’en France, les seuls stigmatisés à pouvoir légalement obtenir de publiques excuses sont ces minorités excipant d’une identité vaguement sexuelle ou raciale, faussement offensées mais ayant accès à tous les plateaux télé, alors que les croyants, catholiques comme musulmans, n’ont désormais plus qu’un droit : celui de se taire.

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08 décembre 2020 à 20:13

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