D’un point de vue politique, le camarade Marc Baudriller a plus que bien résumé la prestation présidentielle de ce mercredi dernier, véritable numéro d’illusionniste, dans la grande tradition de Garcimore, mâtiné de voyage au pays enchanté de la flûte à six schtroumpfs. On notera encore qu’avec cet entretien de près de deux heures, notre Líder Mínimo est en train d’égaler les records du défunt Fidel Castro.

Pour le reste, un grand déballage intime, entre réunion d’autocritique pour cellule maoïste et réunion des Alcooliques anonymes. Avec Nicolas Sarkozy, l’exercice consistait à reconnaître avoir « changé » ; là, Emmanuel Macron avoue avoir « appris ». Bravo, Emmanuel ! Nous sommes tous avec toi !

« Dans certains de mes propos, j’ai blessé des gens », confesse-t-il. Eh oui, même la fameuse thérapie des AA en douze étapes n’exclut pas d’éventuelles rechutes… Une chance que de telles séances publiques servent aussi à mieux rebondir et à regagner le droit chemin. La preuve ? L’émission en question est intitulée « Où va la France ? » Sur celui de sa réélection ? En la matière, le faux flou persiste : « Je ne pense pas, je n’ai jamais pensé qu’on pouvait transformer un pays en cinq ans. Donc, j’essaie de me projeter. […] J’agirai jusqu’au dernier quart d’heure. » Hormis le fait que personne ne lui a jamais demandé de « transformer » la France au gré de ses caprices, serait-ce à dire qu’il n’annoncera sa candidature que moins de vingt minutes avant le premier tour de l’élection suprême ? Pour lui, on espère que non.

En attendant, l’heure est à la contrition : « J’ai acquis beaucoup plus de respect pour chacun. […] Sans doute que je suis plus sensible à certaines choses que je ne l’étais avant. » Si l’on résume, il arrêtera d’affirmer à un chômeur de longue durée qu’il suffit de « traverser la rue pour retrouver un emploi », et que si certains « réussissent », il ne faut pas forcément les opposer à « ceux qui ne sont rien ». On sent que Brigitte Trogneux lui a bien fait réviser ses leçons ; c’est l’avantage d’avoir épousé sa prof.

Au registre des regrets, il y a évidemment cette photo prise à Saint-Martin, en automne 2018, avec deux jeunes délinquants à torsepoil, tous doigts d’honneur brandis : « Ils ont fait les imbéciles, j’ai été suffisamment naïf pour aller laisser faire cette photo […] Je n’avais pas à exposer l’image de la fonction. […] Chaque instant de relâchement, où on perd quelque chose de vue, […] Il y a quelque chose qui peut choquer. » Ça, pour sûr…

D’un point de vue psychologique, ce mea culpa peut passer pour réponse subliminale au portrait en creux et en forme de procès en « rien » qu’Éric Zemmour dressait de lui, lors de son meeting de Villepinte, ce dimanche 5 décembre ? « Il n’y a personne. Il n’y a rien. Macron a vidé de leur substance notre économie, notre identité, notre culture, notre liberté, notre énergie, nos espoirs, nos existences. Il a tout vidé, parce qu’il est à lui tout seul le grand vide, le gouffre. »

C’est précisément de ce gouffre qu’il tente de s’extraire, oubliant ces « premiers de cordée » naguère mis au pinacle, pour aujourd’hui promettre de se pencher sur le sort de « cette France qui se sent invisible ». Et de faire une nouvelle fois acte de repentance : « Je ne vais pas vous dire que je ne suis pour rien dans la crise des gilets jaunes. » Sandec ? Mais Emmanuel ne serait pas tout à fait Macron si, « en même temps », il n’assurait l’exact contraire de ce qu’il venait de dire, à propos des limitations à 80 km/h sur les routes nationales : « C’était une bonne décision pour la sécurité routière. […] Simplement, c’est arrivé à un moment où nos compatriotes n’ont pas compris cette décision. » Fort bien. Il conviendra donc d’attendre le moment opportun, quand ces mêmes « compatriotes » exigeront du gouvernement des ralentisseurs et des feux tricolores sur des autoroutes limitées à 30 km/h ; meilleur moyen, il est vrai, d’en finir avec les accidents de voiture.

Comme quoi on ne se refait pas et qui a bu boira. Allez Manu, un petit dernier, pour la route ?

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16 décembre 2021 à 17:00

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