Édouard Philippe a laissé au Havre 2,25 millions d’euros de factures impayées

Le Havre a été fondé en octobre 1517, par ordre de François Ier, qui souhaitait créer un port pour protéger sa flotte de guerre. Notre Premier ministre, qui a été maire du Havre et président de la communauté urbaine de 2010 à 2017, a créé un comité pour fêter les 500 ans de sa ville et l’a doté de vingt millions d’euros, alors que le budget du Havre est, en 2018, de 336 millions d’euros. Il a donc dépensé 6 % de ce dernier pour des fêtes qui ont été, paraît-il, réussies. Néanmoins, tout ou partie des sommes englouties par la commémoration auraient pu, peut-être, servir à financer des équipements plus utiles.

En outre, des problèmes de paiement sont apparus. D’une part, du fait des attentats, la sécurité a entraîné un surcoût de 1,2 million d’euros, qu’il faudra bien payer. En plus, Artevia, l’entreprise choisie pour être producteur délégué de la fête, vient de faire faillite (en janvier 2018), laissant une ardoise de cinq millions d’euros derrière elle, et notamment une facture non réglée de 1,05 million d’euros qui concerne directement les commémorations.

Or, Artevia n’aurait pas dû, en principe, avoir le marché. En effet, elle ne remplissait pas une des conditions demandées : elle n’avait pas un chiffre d'affaires supérieur à cinq millions d’euros sur trois ans. La municipalité se défend en considérant le chiffre d’affaires total de toutes les entreprises sélectionnées, mais il semblerait qu’elle n'ait pas respecté les règles du marché public qu’elle avait édictées. En outre, des alertes récurrentes sur la solidité de l’entreprise avaient été émises depuis 2011 et, en 2015, au moment du choix de ses partenaires, la mairie avait été avertie des fragilités d’Artevia, mais elle n’en a pas tenu compte. Selon Mediapart, le directeur d’Artevia aurait été mis en contact avec M. Philippe par l’intermédiaire de M. Jacques Attali qui, par ailleurs et par la suite, aurait joué un rôle pour faciliter les contacts entre notre actuel Premier ministre et le Président.

Le porte-parole de M. Philippe à Matignon a précisé que "le choix d'Artevia a été fait au terme d'un appel d'offres transparent". C’est sans doute vrai et, de toute façon, une collectivité n’est pas responsable de la faillite d’un intermédiaire qu’elle emploie. Bien que Mediapart et Le Canard enchaîné aient révélé l’affaire, aucun scandale n’éclatera et il n’y aura nulle poursuite judiciaire. Simplement, on peut considérer que M. Philippe a commis une erreur gênante dans l’administration de sa ville. Il est coutumier du fait : Capital avait déjà, durant l’été 2017, passé au crible sa gestion du Havre et l’avait trouvée dispendieuse : nouvelle ligne de tram, réfection des quais, construction d’une piscine, d’une salle de spectacle et d’un nouveau stade ont fait souffrir les comptes et gonflé la dette (2.900 euros par Havrais). Les capacités d’autofinancement sont désormais réduites et sont même les plus faibles parmi les villes de plus de 100.000 habitants.

M. Philippe n’a pas été nécessairement un bon maire. Saura-t-il mieux gérer la France ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/04/2018 à 21:11.
Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois