Autant Matteo Salvini est salvateur pour l’Italie, car réaliste en matière d’invasion migratoire - d’où son succès populaire mérité -, autant il est dangereux en matière économique.

Matteo Salvini aime provoquer Bruxelles : « Voyons si la lettre arrive et nous inflige une amende de 3 milliards pour les dettes du passé. Alors que le chômage des jeunes atteint 50 % dans certaines régions d’Italie, que nous devons recruter d’urgence des médecins et infirmières, vous voyez quelqu’un à Bruxelles qui, au nom de règles du passé, nous impose 3 milliards d’amende et, en septembre, 20 milliards de hausse d’impôt. » Il est très facile, en effet, pour un failli, comme pour la Grèce, de crier à l’injustice et au meurtre à l’heure du jugement dernier alors que n’est venu, pour lui, que le moment de payer la note de ses erreurs et de ses extravagances passées.

Salvini a horreur des chiffres et des additions. Il n’est pas question, pour lui, de renoncer à la « flat tax », qui est effectivement une bonne mesure économique. Mais encore faut-il pouvoir la financer ! Le coût de cette réforme supplémentaire de 30 milliards d’euros est en effet prohibitif. Le déficit du budget italien ne serait plus de 25 milliards d’euros mais de 55 milliards d’euros, qu’il faudrait bien trouver quelque part ; mais où et comment ?

Les Italiens veulent bien garder l’euro, mais ils souhaitent s’affranchir des règles du pacte de stabilité de la zone qui explosera si chacun fait ce qu’il veut. Le ministre de l’Économie Giovanni Tria, pourtant soucieux d’orthodoxie, est lui-même victime de la contagion démagogique, puisqu’il a pu affirmer : « Le moment est venu d’affronter le tabou de la monétisation de la dette », alors que c’est cette seule monétisation par les rachats non conventionnels de la BCE sur le marché obligataire qui a permis, à ce jour, à l’Italie de ne pas être encore officiellement en faillite.

Quant au parti fédéraliste Europa, il demande de sortir les investissements du calcul du budget tandis que la Confindustria (patronat italien) demande un plan d’investissement massif pour les grandes et moins grandes infrastructures, qui serait lui aussi sorti du calcul du déficit budgétaire de la règle des 3 %. Pendant ce temps, l’économie est à l’arrêt et la croissance prévue n’est plus que de 0,3 % pour 2019.

Les cours de Bourse des banques italiennes ont plongé de 18 % supplémentaires en mai 2019. Le titre Unicredit, première banque italienne, s’est effondré de 97 % depuis mai 2007, ce qui n’empêche pas sa direction de vouloir procéder à la folle acquisition de la Commerzbank, autre canard boiteux en Allemagne. Monte dei Paschi di Siena, déjà renflouée de 8 milliards d’euros par l’État, plonge à nouveau, avec une action qui a baissé de 78 % depuis octobre 2017. Banca Carige devrait être déclarée prochainement en faillite puisqu’il n’y a pas d’acquéreur en vue. La seconde banque italienne (Intesa Sanpaolo), la troisième (Banco BPM) et la quatrième (Unione di Banche Italiane) ont déjà perdu respectivement 40 %, 45 % et 47 % de leur valeur depuis mai 2018.

C’est la raison pour laquelle on assiste, en Italie, à une flambée sanction, par les marchés, jusqu’à 2,89 % du « spread », c’est-à-dire l’écart du taux à 10 ans italien par rapport au taux du Bund allemand, d’où la chute du prix des obligations nationales (20 % du portefeuille des banques), alors que la BCE a déserté présentement le marché obligataire avec l’arrêt provisoire de l’assouplissement quantitatif monétaire laxiste (« QE »). Les banques italiennes sont donc forcées d’acheter les titres excédentaires dont personne ne veut plus. Et tout cela avec, comme fond de tableau, une dette publique prévue de 135 % du PIB en 2020, soit plus de deux fois la limite autorisée !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:41.

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02 juin 2019 à 16:54

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