Donner le droit de vote aux propriétaires de résidences secondaires : quelle idée !

« Étudier l’opportunité pour les propriétaires de résidences secondaires qui seront les seuls à payer la taxe d’habitation de voter aux élections municipales sur leurs deux lieux de vie. » Cette idée d’Éric Woerth, ancien ministre de Sarkozy, fait bondir.

Quelle incongruité ! Woerth veut rétablir le suffrage censitaire, crie-t-on à gauche. Clémentine Autain s’essaye à l’humour : « Et avec une piscine, ça compte triple ? » Une porte-parole de La République en marche, qui a dû retenir cette loi physique que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », s’exclame : « Bonne idée, ça, on pourrait aussi retirer le droit de vote aux jeunes et aux locataires, pendant qu’on y est. » Castaner, en pleine forme, sans doute de retour de vacances, a consulté très vite son dictionnaire des idées reçues et en appelle à l’Histoire : « Et si vous avez trois maisons, vous votez trois fois ? Ça s’appelle le suffrage censitaire. Ça a existé à une époque. On a fait une Révolution française et je pense que c’est plutôt bien. »

Sauf que le suffrage censitaire a été instauré après, ou tout du moins, pendant cette fichue Révolution ! Si la Convention fut élue au suffrage universel (sans les femmes, bien entendu : il fallut une ordonnance de ce réac de De Gaulle pour leur accorder ce que la IIIe République avait toujours refusé…), la Constitution du 5 fructidor de l’an III rétablit le suffrage censitaire instauré par la Constitution du 3 septembre 1791. Cette Constitution prévoyait que seuls les hommes, âgés de plus de 25 ans, payant un impôt direct égal à la valeur de trois journées de travail avaient le droit de voter. D'ailleurs, on peut se demander si, aujourd'hui, le suffrage censitaire n'est pas en train d'être rétabli de fait, les classes populaires votant de moins en moins, phénomène qui semble s'être accéléré sous Macron...

Mais revenons à la proposition « saugrenue » de Woerth qui n'ira pas bien loin (Woerth et la proposition). On notera que ceux qui s’insurgent contre cette idée réactionnaire ne s’offusquent pas que, parmi les conditions actuelles pour s’inscrire sur les listes électorales d’une commune, il faut justifier d’une attache avec cette commune : soit au titre de son domicile principal, soit en qualité de contribuable (taxe d’habitation, contribution foncière des entreprises, taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties). On imagine que ces mêmes personnes s’offusquent sans doute encore moins que des binationaux puissent voter en France et dans un autre pays. Là, bien sûr, c’est différent...

L’idée d’Éric Woerth est peut-être antisociale, déplacée, incongrue, tout ce que vous voulez, mais elle a le mérite de remettre un peu au milieu du village non pas l’église mais la mairie. En effet, on ne dira jamais assez que la suppression de la taxe d’habitation (à l’exception des résidences secondaires), mesure phare de la campagne d’Emmanuel Macron, a largement contribué à aggraver la crise de notre démocratie locale. Certes, les bases de calcul de la taxe d’habitation étaient sans doute à revoir profondément. Les gouvernements successifs, depuis des décennies, ont reculé devant cet obstacle. Moyennant quoi, Macron nous a sorti sa mesure démagogique, genre de coup d’un soir, qui a, in fine, a mis en place un jeu de dominos fiscal infernal, entre État, départements et communes pour maintenir leurs ressources financières aux communes. Cela, au détriment de la démocratie locale et de l’autonomie des communes. J’habite dans telle commune (mieux : je suis citoyen de telle commune) ? Alors, je contribue, dans la mesure de mes moyens, au fonctionnement de cette commune. Je ne suis pas content de l’emploi que mon maire fait de ma contribution (en clair, mes impôts) ? Je le fais savoir aux prochaines élections municipales… C’était un peu cela, l’esprit de la taxe d’habitation. Avec sa suppression, on installe l’idée dans la tête des gens - pardons, des citoyens -, finalement, que tout est gratuit… puisque c’est l’État qui paye !

Mais on retiendra de ces cris d'orfraie que les propriétaires de résidences secondaires (dont je ne suis pas, je précise) sont bons à payer, à contribuer, à faire vivre le commerce et l'artisanat du coin, c'est tout. En fait, salauds de proprios !

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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