Davos : ils n’osent, ou ne peuvent plus, s’y montrer !
Un an, c’est quoi, à l’échelle du temps ? Rien. Et pourtant, quand on regarde qui arpentait, en janvier 2018, la fameuse station des Grisons où se déroule, chaque année, le Forum économique mondial, on se dit que le monde a bien changé.
Les Échos s’en faisaient alors l’enthousiaste écho. Pensez : plus de 2.000 vedettes et chefs d’État « auxquels il faut rajouter une brochette de prix Nobel, des bataillons d’universitaires, des centaines de représentants d’ONG et tous les leaders des grandes institutions internationales (ONU, FMI, Banque mondiale, OMS, OMC, OCDE, etc.). Et, bien sûr, une foule de journalistes pour couvrir le tout. »
Quatre jours de forums et sessions dans le but de « créer un futur partagé dans un monde fracturé ». C’était le titre officiel du Forum de 2018.
Mais, au fait, c’est quoi, ce forum ?
Il a été créé en 1971 par Klaus Schwab, jeune professeur de management qui entendait expliquer aux Européens comment rattraper leur retard sur l’Amérique. Pourquoi Davos ? Parce que Schwab y passait ses vacances.
Mais si l’on y brasse des idées fortes, le Forum de Davos est aussi un bon business. Pour pouvoir participer, les dirigeants des grandes entreprises mondiales laissent des fortunes : d’abord, la cotisation annuelle de 60.000 à 600.000 francs suisses, plus les frais d’entrée et des nuitées d’hôtel à prix d’or. Les dirigeants des "grands pays" sont invités. Quant aux journalistes, agréés, on s’en doute, par le Forum, ils ne paient pas l’entrée mais « leur média règle déplacements et hôtel. Toujours à prix d’or. » On appelle ça le tri par l’argent.
Et, donc, l’année passée, on pouvait y croiser les présidents Donald Trump, Emmanuel Macron, Michel Temer (Brésil) ou Mauricio Macri (Argentine), la chancelière Angela Merkel et les Premiers ministres Theresa May et Narendra Modi (Inde), ainsi que les PDG de Renault, Engie, Total, Google, IBM, Goldman Sachs, jd.com (géant chinois du commerce en ligne), etc.
Le Forum économique de Davos démarre lundi prochain. L’orientation, pour cette année 2019, est de « définir un programme mondial permettant une “remoralisation” (sic) de la mondialisation ». Dans la conférence de presse qu’il a donnée mardi dernier, le fondateur Klaus Schwab a fait ce constat qui, je vous le confesse, m’a tordue de rire : « Nous entrons dans une période de profonde instabilité provoquée par la disruption technologique [...] et le réalignement des forces géoéconomiques et géopolitiques. […] La quatrième révolution industrielle, actuellement en cours, doit être “centrée sur l'être humain, inclusive et durable”. Elle doit regarder aussi les personnes laissées sur le bas-côté de la route et donner une voix à la jeunesse », a dit le monsieur.
Waouhhhh ! Quel génie ! Quelle prescience ! Quelle vision !
Dites donc, sortir 500.000 euros pour entendre ça… Il ne faut vraiment pas savoir quoi faire de son pognon.
Vision dans le rétroviseur, d’ailleurs. Car s’il n’a pas tort dans son analyse, monsieur Schwab, considérant les défections qui s’enchaînent, devrait s’apercevoir qu’il aurait fallu y songer avant, à la "remoralisation" !
Il est, en effet, bien intéressant de regarder qui, cette année, ne va pas à Davos et laissera des trous dans la très chic photo de famille :
– Carlos Ghosn (grand habitué) : en taule ;
– Emmanuel Macron : saucissonné dans un gilet jaune ;
– Theresa May : empêtrée dans le Brexit ;
– Donald Trump : en guerre contre le Congrès ;
– Michel Temer : accusé de corruption et blanchiment d’argent, est remplacé à la tête du Brésil par Jair Bolsonaro.
Voilà pour les plus connus.
« Davos, c’est à la fois un gigantesque cocktail, une université d’hiver, un meeting, une grand-messe et un brainstorming planétaire », nous disaient, l’an passé, Les Échos. Bref, un entre-soi où l’on s’échange des cartes de visite en dégustant le jus de crâne à prix d’or.
Comment disent-ils, déjà : "remoralisation" ?
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