Darmanin demande pardon aux supporters anglais. Kevin et Matteo attendent encore…

Mieux vaut tard que jamais : trois ans. Il aura fallu trois ans pour que Gérald Darmanin reconnaisse (dans un entretien fleuve accordé à Legend) le fiasco du match de la Ligue des champions au Stade de France et présente ses excuses aux supporters anglais. Pour expliquer les scènes de chaos à l’entrée de la finale de la Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool, qui avait conduit à retarder le match de 30 minutes, Gérald Darmanin n’avait pas hésité à accuser, sur Twitter, « des milliers de supporters britanniques, sans billets ou avec de faux billets [qui] ont forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers ». La perfide Albion est pratique et a le dos large, elle est l’ennemi héréditaire.

« J’ai péché par idée reçue. Le coupable était facile et je m’en excuse auprès des supporters de Liverpool. Ils ont eu raison de mal le prendre. C’était une erreur et un échec. » En effet, les Anglais avaient fort peu goûté la plaisanterie et ce mensonge avait alors suscité un vif émoi, outre-Manche.

Coupable facile

En effet, le « coupable était facile ». Il est des étrangers que l’on peut stigmatiser sans crainte. Lorsque Bruno Retailleau monte d’un ton avec l’Algérie, lorsque Éric Zemmour souligne l’implication de Sénégalais dans le trafic de crack en France, il est convenu de trouver cela parfaitement irresponsable, comme si la diplomatie avec ces pays allait s’en trouver affreusement affectée, même si ce qu’ils pointent du doigt est vrai. En revanche, quand Gérald Darmanin, avec légèreté, accuse sans preuve le « coupable facile » anglais, personne ne lui reproche d’avoir manqué de déclencher une nouvelle guerre de Cent Ans. En fait de relations internationales, l'affaire s'est soldée par un Waterloo qui force aujourd’hui le ci-devant ministre de l'Intérieur devenu garde des Sceaux à aller à Canossa. Quelle réussite !

« Ce que je ne sais pas, ce soir-là, c’est que l’essentiel de la difficulté ne vient pas des supporters anglais mais des délinquants de Seine-Saint-Denis qui font des razzias et pillent des supporters. » Il ne « sait pas », vraiment ? Certains en doutent fortement, comme le journaliste police-justice de Valeurs actuelles Amaury Bucco : comment imaginer que le ministre de l’Intérieur n'ait pas eu les remontées de terrain auxquelles la presse elle-même avait accès ? Ne sait-il pas ou ne veut-il pas savoir ? Il excipe des ses « idées reçues » sur l’Angleterre et ses hooligans, comme s’il était admissible d’en avoir sur les Britanniques. En revanche, il n’a aucune idée, visiblement - reçue ou pas -, des réalités de la Seine-Saint-Denis, le département le plus criminogène de France. Occulter toute la sainte journée la vérité sur cette « Californie », comme l’a appelée Emmanuel Macron, cet eldorado dans lequel les enseignant ne veulent pas venir enseigner, les soignants soigner, les policiers se faire caillasser… a aussi des conséquences opérationnelles : on sous-estime la situation.

Aucun endroit n’est safe, en France - c’est lui qui l’a reconnu -, mais la Seine-Saint-Denis est encore moins safe que les autres endroits. Comment un ministre de l’Intérieur pouvait-il l’ignorer ?

A l'époque, des sources policières nous disaient en direct ce qu'il se passait au stade de France, à savoir que des délinquants locaux s'en prenaient aux supporters venus voir le match. Comment croire que Gérald Darmanin n'était pas au moins aussi bien informé que nous ? Ces… pic.twitter.com/bc5D2e6lkw

— Amaury Bucco (@AmauryBucco) May 5, 2025

Darmalin

Appelez-le Darmalin. Les élections approchent, sa partition à lui est celle de la fermeté qui plaît à droite, il ne faudrait pas que les supporters anglais collent à son CV. Le voilà donc avec sa mantille noire et ses airs contrits frappant sa coulpe contre la grille du confessionnal : pardonnez-moi, mon père, parce que « j’ai péché ». C’est le mot qu’il emploie. Sauf que le Gérald culpa n’est pas terminé : Kevin et Matteo attendent toujours ses excuses. Et les familles de pieds-noirs, harkis ou militaires massacrés et enlevés pendant la guerre d’Algérie, aussi : quand, en 2020, il a déposé une gerbe de fleurs devant le monument du FLN en Algérie, il a cautionné un autre mensonge, celui de l’État algérien selon lequel les martyrs auraient été du côté du FLN et les bourreaux de celui de la France.

Après la confession (qui, comme on l’a vu, est loin d’être complète…) vient le temps de la réparation : qu’il ne s’étonne pas si les électeurs le mettent, et pour longtemps, en pénitence.

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