Courriers honteux, manque d’empathie : scandale au rectorat de Versailles !

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« On ne nous a jamais écoutés […] J’en veux à l’institution. Mon fiston, je ne vais plus le revoir. Ma vie est terminée. » Trois semaines après le suicide de son fils Nicolas, un adolescent de 15 ans harcelé au collège, Fred Nebot se confie au micro de « C à vous ». Ce père endeuillé tient l’Éducation nationale – et notamment le rectorat de Versailles où était scolarisé Nicolas - en partie pour responsable de la mort prématurée de son fils. L’institution dans la tourmente est accusée d’avoir manqué d’empathie et d’écoute vis-à-vis des parents du collégien.

Des courriers honteux

Les faits remontent au printemps 2023. À cette date, les parents de Nicolas, inquiets pour le fils harcelé depuis plusieurs mois, écrivent au proviseur pour le presser de prendre des sanctions et des mesures contre le harcèlement. Ils l’informent également qu’une main courante a été déposée. Dans sa réponse, le proviseur explique que le corps enseignant, sans nouveau élément significatif, « pouvait considérer que la situation était en phase de résolution ». Dans la foulée, le rectorat de Versailles, dans un courrier révélé par la presse, reproche aux parents leur réaction. « Dans l’intérêt de votre enfant et par souci d’exemplarité à son égard, je vous enjoins d’adopter désormais une attitude constructive et respectueuse envers les autres membres de la communauté éducative et plus largement tout personnel de l’Éducation nationale qui œuvrent à la prise en charge de votre fils et agit au mieux à son égard », enjoint le rectorat. Une « lettre de la honte », selon les mots de Gabriel Attal, qui laisse les parents du collégien démunis. « Quand il a vu ce courrier, Nicolas a eu l’impression qu’il faisait du mal à ses parents », se désole aujourd’hui son père.

L’ennui est que le rectorat de Versailles, marqué par un management entrepreneurial, semble être un habitué de ces lettres au contenu menaçant et déplacé. En visite au sein de l’académie, ce 25 septembre, Gabriel Attal révélait ainsi que sur 120 courriers de réprobation – lettres envoyées lorsqu’il y a des menaces envers des agents de l’Éducation nationale – adressés par le rectorat versaillais, 55 « posent question ». Les parents d’une fillette de 11 ans qui aurait subi des attouchements par un animateur périscolaire ont ainsi reçu une lettre du rectorat de Versailles quasiment identique – au mot près – à celle envoyée aux parents de Nicolas.

Un rectorat hors-sol

Et quand ce ne sont pas les parents d’élèves qui pâtissent du manque d’empathie du rectorat de Versailles, ce sont les professeurs qui se plaignent d’un manque de soutien. Dans les colonnes du Parisien, des enseignants, qui ont demandé une protection fonctionnelle à l’académie [système de protection juridique offert aux fonctionnaires, NDLR] expliquent avoir eu du mal à l’obtenir. L’un d’eux, victime d’une fatwa numérique pour avoir placé le chanteur Soprano sur une frise de l’évolution, raconte avoir bataillé pour obtenir un soutien du rectorat. Un autre, pour avoir dénoncé des propos calomnieux d’une élève, voit son procès fait avant l’heure dans un courrier signé par le rectorat. Au nom du fameux « pas de vague », de nombreux enseignants se sentent ainsi abandonnés par cette académie encore très marquée par l’assassinat de Samuel Paty. En janvier 2021, déjà, une enseignante versaillaise dénonçait, sur le site de BV, une hiérarchie « hors-sol », « très éloignée du terrain ». Et d’ajouter : « Les inspections […] peuvent tourner au procès en règle du professeur, voire à l’humiliation. » Un manque de soutien qui la conduit, finalement, à quitter son poste.

Ces nombreux et dramatiques dysfonctionnements concernent-ils seulement le rectorat de Versailles ? Après le suicide, en mai dernier, de leur fille Lindsay, une adolescente harcelée au collège, ses parents ont décidé de porter plainte, notamment contre l’académie de Lille. Ils dénoncent « l’inertie des pouvoirs publics qui semblent s’en foutre qu’une gamine de 13 ans se soit pendue et que ses parents se soient retrouvés abandonnés ». À Strasbourg, des parents dont le fils aurait été violenté par l’un de ses enseignants assurent eux aussi avoir reçu une lettre au contenu menaçant, similaire à celui adressé aux parents de Nicolas. Pour tenter de faire la lumière, Gabriel Attal vient de lancer un audit national.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Avant de clouer une rectrice, ou compte tenu de son courage l’un de ses collaborateurs, au pilori, je souhaiterais connaître le contexte de cette affaire navrante. Les médias nous en donnent une version mais elle ne mentionne rien du contexte comme hélas trop souvent.

  2. L’efficacité des structures de l’éducation nationale au rectorat de Versailles se mesure au nombre extravagant – 100 000 – de fonctionnaires qu’elle emploie.

    • 100 000 « encadrants » pour 1 000 000 « d’apprenants » soit 1 pour 10 ! Aucune société ne survivrait avec un tel rapport. Et en outre, ils font mal le travail non par manque d’aptitude mais par un disfonctionnement structurel de l’ensemble de l’Eduction (qui n’a rien à faire dans l’enseignement) Nationale.

  3. ce n’est là que le reflet de notre chère administration française avec sa cohorte de fonctionnaires , des courriers incompréhensibles , des propos inadéquats , et plus on monte en gamme plus cela devient délirant.

  4. La froideur de la haute fonction publique dans tout ce qu’elle a de glacial, de supérieure.
    C’est du « vous n’y connaissez rien », pire du « circulez y’a rien à voir ».
    Ce qui est plus grave encore est que tous ces gens-là n’auront pas à « traverser la rue », ils seront recasés automatiquement.

    • Ils sont inamovibles et peuvent passer par tous les postes et métiers. La valeur n’existe plus chez eux. Un diplôme n’est pas synonyme d’intelligence, loin s’en faut parfois et là…

  5. J’ai bien peur que ‘l’audace » dont fait preuve Gabriel Attal ne retombe tel un soufflé, tant l’éducation nationale est un état dans l’état. C’est à dire ingouvernable, irréformable, à cause notamment des syndicats puissants pour qui la menace de la grève est le crédo. Bon courage Monsieur le Ministre.

  6. Malheureusement, ce comportement est représentatif de la société. Tout le monde ou presque, se désintéresse de ce qui arrive aux autres, tant que soi même on n’est pas touché. C’est la société de l’individualisme forcené. On se mobilise sur des sujets mineurs et on ferme les yeux sur des atrocités. Pauvre monde, pauvre France!

  7. Si je comprend bien Samuel Pati est mort pour rien, même son effigie est rangée dans les placards fermés à double tour à clef.

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