Consignes pour le 14 Juillet : rentrez vos poubelles, planquez vos voitures et mettez-vous à l’abri !

INCENDIE FEU

Au temps lointain de mon enfance, quand les roulottes des romanichels, tirées par les chevaux, faisaient leur entrée dans la ville, on disait aux bonnes gens : « Rentrez vos poules ! »

Ces temps ne sont plus. Les grosses berlines ont remplacé les chevaux et des pavillons avec jardinet ont poussé pour abriter les « romanos » qui, de ce fait, ont hérité d’une appellation contrôlée : ils constituent désormais une « communauté de vanniers sédentarisés ».

Les voleurs de poules ont, eux aussi, été remplacés et leur délinquance semi-astucieuse a cédé la place à du vandalisme pur et simple. Il faut bien que la jeunesse s’amuse, disent les belles âmes. Dès lors, de Saint-Sylvestre en Saint-Sylvestre, l’année est jalonnée de dates joyeusement fêtées. Chacun s’attache alors à dépasser le quartier voisin dans la manifestation à tendance pyrotechnique.

La chose, depuis quelques décennies, est totalement entrée dans les mœurs. Les sociologues nous parlent même de « nouvelle culture ». Ces enfants sont ludiques, même s’ils ignorent le sens du mot.

C’est donc en prévision de ces grands moments de liesse populaire que le préfet de Seine-Maritime (comme, sans doute, nombre de ses confrères) a adressé ses recommandations à la population. Dans un communiqué sur lequel la journaliste Christine Kelly attire notre attention, M. Pierre-André Durand recommande « les mesures préventives de bon sens » face au risque de violences et dégradations. Il demande donc « aux administrations, entreprises et particuliers, dans la mesure du possible, de garer son véhicule à l’intérieur, de rentrer les poubelles et de ne pas laisser d’encombrants sur la voie publique ».

M. le préfet craint les incendies. Le temps est chaud, les voitures pourraient s’enflammer. Il assortit d’ailleurs ses recommandations d’interdictions diverses : « consommation d’alcool, vente d’artifices de divertissement et de produits chimiques, inflammables ou explosifs ».

On aimerait que le préfet nous dise à quoi il songe au juste et qui est visé. Savoir si Mme Machepraut pourra servir du rosé avec ses brochettes. Si M. Dupont est autorisé à faire son barbecue dans le jardin. Et au cas où l’on n’a pas de garage, s’il faut aller planquer sa voiture en rase campagne, entre les champs de betteraves et de maïs, histoire de la préserver des incendiaires sans nom ni visage.

Voilà bien la France d’aujourd’hui où, le jour de la fête nationale, on livre le pays aux barbares et conseille aux citoyens honnêtes de se terrer chez eux. Y a-t-il plus flagrant aveu d’impuissance ? Certes, le préfet assure que « les forces de l’ordre seront mobilisées en nombre durant les nuits du 13 au 15 juillet afin de prévenir les débordements ». Qui déborderont quand même, n'en doutons pas

L’insécurité est, aujourd’hui, un fléau que nul ne peut (et ne veut ?) plus endiguer. Devant l’impéritie de l’État, c’est au citoyen d’inventer les moyens de se préserver – mais pas de se défendre car cela, et cela seul, est un délit gravement puni.

Qu’en pense le président de la République ? Assurément, il s’en fout. Tout cela n’est pas de son monde. Comme il l’a dit si élégamment du scandale Uber, « ça [lui] en touche une sans faire bouger l’autre ». Autrement dit, et pour reprendre une expression chère à tous ces jeunes qu’il aime tant, il « s’en bat les c… ».

À l’Élysée, le pince-fesses se déroulera en toute sécurité. Pour le reste, que les Français se débrouillent.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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