La France révèle avec une évidence accrue, de jour en jour, une fracture entre sa caste dirigeante et la nation. Avec le temps, le bilan s’assombrit. Ce qui frappe le plus, dans le fossé qui se creuse entre l’oligarchie et la nation, c’est que la première ne se contente pas d’une mauvaise gouvernance, elle peut être accusée de trahison.

Un domaine illustre particulièrement cette dérive : l’Histoire. Le président Macron a reçu Benjamin Stora, le vendredi 24 juillet 2020, et lui a confié une mission sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien ». Le locataire à titre gratuit de l’Élysée récidive : il avait déjà fait sienne la doctrine de l’État algérien sur la colonisation comme crime contre l’humanité. Le voilà qui confie à un historien engagé à gauche une mission qui aurait pour but de réconcilier les peuples algérien et français !

Instituée en 2010, la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie a déjà pour objet d’expliquer ces événements et d’en transmettre la mémoire. C’est évidemment à elle que devait être confié ce travail. Mais créée sous la présidence Sarkozy, elle est donc suspecte. Elle a, d’ailleurs, failli subir le même sort que la Maison de l’Histoire de France, supprimée sous Hollande. L’État algérien exige des excuses de la France, les Français d’aujourd’hui ont oublié une guerre que, pour la plupart, ils n’ont pas connue. En revanche, est entretenue dans la minorité immigrée une vision négative de la colonisation qui justifie une soif de revanche camouflée en désir de justice. Que peut-on attendre d’une mission confiée à un historien partisan dans une situation aussi déséquilibrée ?

L’historien n’est pas un agent neutre mais un citoyen qui est dans une position de « spectateur engagé », comme disait Raymond Aron. Le passé de Stora, membre du groupe trotkiste Alliance des jeunes pour le socialisme, l’organisation de jeunesse de l’OCI dirigée par Pierre Lambert, ne plaide pas en sa faveur. Il est incroyable de voir le rôle que jouent les gauchistes de 1968 dans l’orientation des idées de la France d’aujourd’hui ! Quelle que soit l’importance des travaux de Stora, ils ne sont pas neutres. Le 1er août 2014, Benjamin Stora a été nommé président du Conseil d’orientation de l’établissement public du palais de la Porte dorée, qui inclut la Cité nationale de l’immigration par décret du Premier ministre Manuel Valls.

Le paradoxe français d’une élite qui trahit son peuple va atteindre un sommet quand l’Histoire officielle de notre pays aura pour but, non de créer une mémoire commune et, donc, une conscience collective, mais de satisfaire les exigences d’un État étranger et les pulsions qui agitent des minorités.

Il y a des philosophies de l’Histoire, c’est-à-dire des interprétations qui appartiennent davantage à l’idéologie qu’à la science. La vérité historique est plus proche de celle du juge que de celle du savant : que s’est-il passé ? Quelle est la cause ? Quel est le motif ? Qui est l’auteur ? Quant à savoir si ce dernier est un héros ou un criminel, cela dépendra de la mode idéologique qui dominera à l’époque où l’historien écrit et la réponse sera déterminée par l’orientation politique de celui-ci. C’est ainsi que le livre de Sylvain Gouguenheim Aristote au mont Saint-Michel avait déclenché une polémique parce qu’il osait toucher à un tabou de la bien-pensance historique : le Moyen Âge chrétien aurait retrouvé la philosophie grecque grâce aux musulmans d’El-Andaluz.

Cet exemple montre combien il est difficile, dans toutes les sciences humaines, de détacher la connaissance de préjugés ou de préférences idéologiques, mais dans l’Histoire plus encore parce que la politique est au cœur de celle-ci et qu’il est fréquent de projeter dans le passé des préoccupations actuelles.

Lorsque le présent fait appel au passé sur un mode passionnel, il ne fait plus de l’Histoire mais de la mémoire, il commémore. Le tout est de savoir à quoi doit servir la mémoire. Elle était avant tout destinée à célébrer les héros, les grandes heures du passé national et les hommes qui peuvent servir de modèles à ceux d’aujourd’hui. Elle avait pour but de susciter une fierté nationale. Peu à peu, elle a inversé son rôle : la commémoration remplaçait les héros par les victimes, et la fierté par la repentance. Au lieu de magnifier la nation, elle mettait en exergue les dettes de celle-ci à l’égard de communautés particulières.

L’idée stupide, antinationale, qui consiste à choisir Stora pour mener une mission « historienne » sur la colonisation et la guerre d’Algérie est le comble de la faute : le but serait de « réconcilier » les peuples français et algérien. Comme si un travail d’historien pouvait atteindre ce but ! Les déclarations scandaleuses de Macron sur la colonisation, crime contre l’humanité, et l’orientation politique de Stora laissent supposer le pire.

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04 août 2020 à 11:09

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