Newcastle au début des années 60. Le couple Bunton, sexagénaire, peine à joindre les deux bouts et connaît au quotidien la privation. Si l’épouse, Dorothy, est employée de ménage chez une riche famille de notables, la personnalité fantasque, anarchisante et contestataire de son mari Kempton empêche celui-ci de conserver durablement un travail. Sa lubie du moment consiste à refuser de payer la redevance télé, jugée trop chère, sous prétexte que son poste – bidouillé à dessein – ne capte plus les chaînes publiques… Une attitude déraisonnable – pour un point de vue défendable – qui lui vaudra un bref séjour en prison.

À sa sortie, loin de s’être assagi – au grand désespoir de Dorothy –, Kempton se met en tête de pétitionner afin d’obtenir la gratuité de la redevance pour les veuves et les personnes âgées. Un acte militant qui ne rencontre pas le moindre écho mais pour lequel le personnage peut au moins compter sur le soutien sans faille de son fils.

De passage à Londres pour revendiquer sa cause en haut lieu, Kempton, par un concours de circonstances, met la main sur le portait peint par Goya du duc de Wellington, exposé à la National Gallery. Son idée, dorénavant, est de réclamer dans la presse une rançon de 140.000 livres afin de pouvoir financer la redevance des plus pauvres. Un plan fumeux qui risque bien de coûter cher à ce Robin des bois des temps modernes…

Le cinéma anglo-saxon regorge de films de cambriolage, tous plus spectaculaires les uns que les autres, ménageant leur suspense et sublimant la virilité de leurs têtes d’affiche. On pense à la saga Ocean’s Eleven, à L’Affaire Thomas Crown, à Braquage à l’anglaise, à Insaisissables, à The Score ou encore à Haute Voltige. The Duke, réalisé par le regretté Roger Michell, décédé en septembre dernier, prend le contre-pied total de ces films, rompt avec le glamour et avec les attentes du spectateur, et aborde son sujet sur un ton ouvertement loufoque et ironique. Chez lui, le vol du tableau ne fait l’objet d’aucune préparation, se décide sur un coup de tête et n’excède pas vingt secondes à l’écran. En éludant précisément le seul élément à suspense de son histoire et en articulant le récit autour d’un prolo fantasque et vieillissant, rongé secrètement par le deuil de sa fille, The Duke assume fièrement ses charentaises, joue à fond la carte de la « dramédie » britannique aux répliques bien senties et rejoint tout un tas de films qui, depuis les années 90, ont su aborder la classe ouvrière sous l’angle de l’humour : Les Virtuoses, The Full Monty, Billy Elliot, etc.

Le cinéaste a pour lui trois arguments de poids : la véracité de l’histoire qu’il nous raconte, l’altruisme qui anime jusqu’au bout le personnage principal et le tandem détonnant que forment, pour notre plus grand plaisir, Jim Broadbent et Helen Mirren.

On ne saurait trop conseiller à nos lecteurs de voir ce film en famille.

4 étoiles sur 5

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20 mai 2022 à 12:54

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