Cinéma : Les Promesses, de Thomas Kruithof

huppert

En Seine-Saint-Denis, les habitants du quartier des Bernardins vivent, depuis des années, dans des immeubles insalubres qui menacent de tomber en ruine. Excédés, les propriétaires ont décidé de ne plus payer les sommes croissantes réclamées par le syndic de copropriété, jugé incompétent et suspecté de s'enrichir sur leur dos. Cela, au grand dam de Clémence, maire de la ville, qui comptait justement mettre en avant le sérieux de ses administrés afin d'obtenir de l'État un plan de réhabilitation du quartier pour 63 millions d'euros. Sans le paiement des charges dues, en effet, le projet n'a aucune chance de passer en commission.

Avec Yazid, son directeur de cabinet, Clémence va alors se battre pour gagner la confiance des habitants des Bernardins et récupérer leurs chèques, quitte à bluffer en leur faisant miroiter des poursuites judiciaires à l'encontre du syndic. Un jeu dangereux qui risque de se retourner contre elle. D'autant que les marchands de sommeil de la cité, qui entassent les migrants par dizaines dans des logements à peine vivables, s'opposent au projet de réhabilitation et lui mettent des bâtons dans les roues. Leur intérêt étant, évidemment, de laisser les immeubles tomber en décrépitude pour pouvoir racheter les appartements à moindre coût, y faire venir toujours plus de travailleurs illégaux et toucher leurs loyers…

Tour d'horizon d'un écosystème malsain où les intérêts économiques de petits truands et d’administrateurs malhonnêtes convergent et nuisent à la collectivité, Les Promesses, de Thomas Kruithof, nous donne à voir les ressorts de la politique de la ville : ses acteurs, ses enjeux, ses impasses, ses marchandages, ses rétropédalages, ses victoires et, surtout, l’abnégation dont savent faire preuve certains élus pour que les choses changent. Parfois même, nous dit-on, au détriment de leur plan de carrière. Ainsi, le film est à envisager d’abord comme un vibrant hommage à ceux qui, au quotidien, se démènent pour les autres ; une célébration, aussi, des bienfaits de l’État et de son engagement dans la rénovation urbaine – quoi que l'on puisse penser, par ailleurs, de sa politique de redistribution sociale…

Servi par un tandem détonnant (Isabelle Huppert et Reda Kateb), d’une belle complicité à l’écran, Les Promesses refuse la facilité du « tous pourris » et nous épargne le couplet habituel sur le cynisme électoral qui motiverait forcément toute bonne action d'un élu.

Honnête dans sa démarche, le cinéaste évite soigneusement de trop expliciter le bord politique de ses protagonistes – tout en laissant quelques indices à travers les références idéologiques du directeur de cabinet – et admet par là que l’intégrité et le souci des autres ne sont pas toujours une affaire d’étiquette. Comment, alors, ne pas penser à Jean-Louis Borloo et à son fameux Programme national de rénovation urbaine qui coûta, à l'époque, la somme pharaonique de 40 milliards d’euros ? Une initiative plutôt louable – bien qu'on eût apprécié un tel dévouement pour la France périphérique –  qui, cependant, n'influa en rien sur les chiffres de la délinquance…

C'est là, précisément, que se trouvent les limites du film : à seulement mettre l’accent sur la question du logement et des infrastructures, le cinéaste tend à véhiculer cette idée fausse et naïve selon laquelle les problèmes des banlieues ne seraient qu'affaire de pauvreté et de manque de moyens investis.

Un éléphant est au milieu de la pièce et personne ne le remarque.

 

3 étoiles sur 5

 

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

2 commentaires

  1. (suite) tous les gestionnaires de logements sociaux ont vu les lâchetés des élus de leurs conseils d’administration face aux pressions des communautés, des trafiquants etc.
    Il y a une omerta sur tous ces sujets.
    Exemple : quand un ascenseur est dégradé 6 fois de suite pour pourrir la vie d’une tour et »encourager » les départs qui en parle ? Qui va jusqu’au bout du problème ?
    Personne . Dans le meilleur des cas, on détruit la tour en question et ça coûte…

  2. Bonjour,
    Le sujet du logement social n’a jamais été abordé sérieusement dans sa diversité. Jamais aucun politique n’a donné la parole aux organismes bailleurs, aux régies qui se retrouvent gestionnaires de logements sociaux de fait (tous les logements sont loués- aucun propriétaire resident) etc.
    Pourquoi faire parler tous ces gens ?
    Ce sont eux qui ont géré la création des ghettos, ce sont eux qui sont témoins de la prise de pouvoir des dealers sur une montée,

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