France, 1942. Gilles, fils d’un rabbin d’Anvers, a tenté de fuir en Suisse, en vain. Capturé par les Allemands avec d’autres juifs, son convoi l’emmène vers la mort. En chemin, l’un de ses camarades d’infortune, affamé, lui demande son sandwich en échange d’un livre écrit en farsi. Peu enthousiaste, ne connaissant pas la langue et étant plus préoccupé par sa survie, Gilles accepte par compassion. Il l’ignore à ce stade, mais ce livre va lui sauver la peau. Lorsque les prisonniers descendent du véhicule, les soldats les rassemblent et se mettent à leur tirer dessus. Gilles tombe parmi les premiers, faisant mine d’avoir été touché, mais les Allemands ne sont pas dupes. L’un d’eux s’apprête à le tuer quand, soudain, un éclair de génie traverse l’esprit du prisonnier : il affirme ne pas être juif mais persan, et brandit son livre en guise de preuve. À cet instant, le chef de groupe décide de l’épargner afin de l’emmener au camp et de le présenter à son supérieur, l’officier Koch, qui, précisément, désire apprendre le farsi… Dès lors, un jeu de dupes va se mettre en place. Contraint de réinventer une langue dont il ignore tout, Gilles va s’inspirer de ce qu’il voit au quotidien, dans le camp, pour créer une quarantaine de mots par jour et les enseigner à son « élève », un officier peu commode et sujet à des accès de colère, susceptible de se retourner contre lui à tout moment…

Inspiré de la nouvelle littéraire Invention d’une langue, de Wolfgang Kohlhaase, Les Leçons persanes, du cinéaste Vadim Perelman, nous donne à voir les trésors d’intelligence et d’inventivité dont peut faire preuve l’esprit humain pour se tirer des pires situations. Un génie de l’improvisation qui se manifeste quand l’espoir n’est plus permis et que le pire semble inéluctable.

En effet, chaque fois qu’émerge la vérité, l’instinct de survie du personnage principal lui permet d’innover dans la tromperie et le mensonge, de rebondir et de s’en sortir. Un jeu d’équilibriste qui peut tourner court au moindre doute de l’officier Koch, à la moindre fausse note, au moindre regard fuyant dont ce dernier pourrait tirer des conclusions troublantes.

Si le scénario s’épargne bien quelques difficultés – « l’élève » concentre son apprentissage sur le vocabulaire et se désintéresse totalement de la grammaire –, on peut s’interroger sur l’utilité de certaines intrigues secondaires concernant les soldats du camp. Lesquelles n’ont pour fonction que de rappeler avec insistance les dangers auxquels s’expose le personnage principal. Ironie de l’histoire, la relation complexe qu’il entretient avec l’officier Koch se révèle peut-être l’atout principal de Gilles pour survivre aux événements.

Là où le film fait preuve d’originalité, on l’aura compris, c’est dans sa volonté de raconter autre chose que le parcours d’une victime impuissante de l’Holocauste. En cela, Les Leçons persanes s’inscrit parfaitement dans cette vague de films – avec Les Insurgés, L’Armée du crime, Inglourious Basterds et même Munich – où les juifs refusent leur statut d’opprimés et tentent de redevenir maîtres de leur destin. C’est d’ailleurs ce que reproche une partie de la critique au film de Perelman ; elle craint que cette fiction n’occulte ou minimise la tragédie réelle que vécurent les victimes du nazisme. Pour notre part, nous ne croyons pas un seul instant à cette éventualité, ni même que cela fut l’objectif du cinéaste. L’Holocauste occupe ici la toile de fond du récit, le contexte, en aucun cas le sujet du film, et ce n’est pas minimiser son importance historique que de le dire. La séquence finale, poignante, a d’ailleurs le mérite de mettre les points sur les i quant au fait que le parcours (fictif) de Gilles n’est pas représentatif de ce qu’ont vécu les juifs de l’époque. Point n’est besoin de faire un mauvais procès au film.

3 étoiles sur 5

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22 janvier 2022 à 14:21

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4 commentaires

  1. Plus c’est invraisemblable et stupide et meilleur c’est. Cela rappelle ce récit où une réchappée des camps traversait l’Europe et mangeait benoîtement avec des loups compatissants. Le délire des bipèdes assoiffés de notoriété ne connaît pas de limites : BV se discrédite en publiant de telles âneries !

  2. Jusqu’à quand utilisera-t-on la 2ème guerre pour faire des sujets de films, comme si depuis, aucune situation ne pouvait servir de toile de fond à des drames humains ? Vous avez vu des films sur l’extermination des harkis, vous ? Sur les camps cubains, chinois ou coréens du nord ? Sur le régime vénézuélien ? Sur les fermiers blancs du Zimbabwe ? Sur les réseaux pakistanais de prostitution forcées de jeunes blanches en Angleterre ? Sur les chrétiens d’orient ? Moi j’attends toujours…

  3. Dans une société qui a élevé le mensonge comme règle absolue cela fera un film culte pour les Marcheurs

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