Cinéma : Les Huit Montagnes, célébration magnifique de l’amitié inconditionnelle

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Quand la presse bobo s’accorde à étriller un film, ce n’est jamais anodin, on se dit que la raison d’un tel dédain est à chercher dans le discours de l’œuvre, probablement à rebours de la doxa métropolitaine. Les Huit Montagnes, de Felix Van Groeningen et de sa compagne Charlotte Vandermeersch, est un cas d’école. Télérama, Les Inrockuptibles, Le Monde, L’Obs, Critikat et les Cahiers du Cinéma ont copieusement descendu cette adaptation cinématographique du roman de Paolo Cognetti, ne sachant trop quoi en retenir…

Le récit nous est raconté à la première personne par Pietro, un garçon de la ville qui, durant son enfance dans les années 80, passait ses étés à la montagne dans la vallée d’Aoste, où il fit la connaissance de Bruno, un jeune paysan du même âge. Instinctivement, de façon presque animale, les deux garçons se reconnurent l’un en l’autre et nouèrent une amitié indéfectible qui s’étala sur plusieurs années. Le jour, cependant, où les parents de Pietro échouèrent à convaincre le père de Bruno d’emmener son fils avec eux à Turin pour poursuivre des études, les deux enfants se perdirent de vue.

Quinze ans plus tard, un événement douloureux réunit à nouveau Pietro et Bruno, renforçant leur amitié autour d’un projet commun : la rénovation d’une maison en ruine perchée dans la montagne.

Éloge de la nature, des grands espaces et du temps long, Les Huit Montagnes est à appréhender avant toute chose comme la célébration de la nostalgie, des liens durables, de la parole donnée et des vertus de l’amitié inconditionnelle, celle que l’éloignement au fil des ans ne saurait remettre en cause. Un propos qui, à l’heure du tout éphémère, des réseaux sociaux, des applications de rencontres et du consumérisme relationnel sous toutes ses formes – auquel nous encourage la célérité de nos modes de vie –, peut sembler lunaire pour certains.

Issus de milieux différents mais éduqués par un même père – biologique pour l’un, tutélaire pour l’autre –, les cœurs de Pietro et Bruno battent à l’unisson. Le premier admire chez le second sa capacité à domestiquer nature et matière ; quand Bruno, plus taiseux, perce l’âme de Pietro en un regard et l’encourage à donner le meilleur de son potentiel. Une relation forte et virile qui ne versera ni dans l’homosexualité refoulée ni dans les étreintes torrides, au grand désespoir de nos critiques de gauche qui n’ont jamais caché leur gourmandise en la matière… C’est sans doute, d’ailleurs, ce qui explique les mauvais retours du film.

Si les deux hommes se comprennent intuitivement et se soutiennent quoi qu’il arrive, chacun doit néanmoins suivre sa propre voie. Mais pas n’importe laquelle, nous dit-on. Celle-ci devra être en adéquation avec leurs milieux, leurs racines et leurs conditionnements respectifs – autre discours qui va à contre-courant de la modernité. Soit, concernant Pietro, une vocation intellectuelle d’écrivain porté sur le monde, lui qui a grandi dans les villes ; et une vocation de paysan-fromager enraciné pour Bruno, dans la droite lignée de ses ancêtres, avec toutes les difficultés financières qui l’attendent…

« Plus c’est local, plus c’est universel », disait Jean Renoir. Pour Pietro, le retour ponctuel au local – les montagnes des Alpes italiennes – sera, un temps, la condition nécessaire pour savoir apprécier l’universel et bâtir sa vie future au Népal.

Servi par de très bons comédiens (Luca Marinelli, Alessandro Borghi et surtout Filippo Timi), ce premier film italien de Felix Van Groeningen et de Charlotte Vandermeersch bénéficie, en outre, d’un réel savoir-faire dans la composition des cadres (tournés au format 1,33:1) et d’une bande originale mémorable, signée Daniel Norgren, qui accompagne à merveille les séquences les plus fortes.

 

5 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Vu en avant première, j’ai beaucoup aimé ce film qui nous tire vers le haut, vers la pureté et la noblesse des
    sentiments ! Pas étonnant que la critique gauchiste ne l’ait pas aimé !!!

  2. Le livre de Cognetti est très beau, ce commentaire laisse penser que l’esprit en a été préservé dans le film.

  3. Vos commentaires monsieur Pierre Marcellesi sont bien plus précieux que ceux de tous ces journaux qui pensent détenir quelque vérité sur le 7° Art.

  4. Quand un film est éreinté par le quatuor maléfique Le Monde, Libé, Télérama, Les Inrocks, ont peut être à peu près certain qu’il vaut d’être vu. C’est un critère quasi infaillible.

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