[CHRONIQUE] Transcendance et politique : « Quand Justice règne en un royaume… »

Une société irriguée et élevée par la foi peut porter plus de fruits que si elle est coupée de toute transcendance.
Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, Pierre-Narcisse Guérin, 1816, musée des Beaux-Arts d'Angers.
Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, Pierre-Narcisse Guérin, 1816, musée des Beaux-Arts d'Angers.

Cette chronique ne sera pas un sermon de carême. Non, le propos est de rappeler combien une société portée, irriguée, élevée par la foi peut porter de fruits par rapport à une société coupée de toute transcendance. Certes, les siècles de foi ne furent pas, en Europe et en France, le paradis sur terre. Siècles parfois terribles et violents mais aussi grands et magnifiques. Prétendre juger à l’aune de nos critères contemporains des siècles passés n’est qu’un anachronisme à la frontière de la bêtise et de la suffisance. Les tenants de la modernité qui a offert à l’humanité le jacobinisme, le marxisme-léninisme, le national-socialisme, le maoïsme et autres sanglantes fantaisies devraient faire preuve d’un peu de modestie.

Lorsqu’un peuple entier communie dans la croyance que son existence finie ouvre vers une autre existence, infinie elle, c’est toute sa vision de la vie et de la portée des actes de chacun qui est différente. Non que les hommes fussent meilleurs, mais chacun savait que lorsqu’il errait, il errait et ne cherchait pas à toute force à faire de vice vertu. Les actes qui font une vie s’inscrivaient dans une transcendance qui relativisait et tirait vers le haut les actions de tout à chacun.

Noblesse et grandeur

La politique, comme toute autre activité humaine, était imprégnée de cette vision de l’existence humaine. Certes, elle était affaire d’ambition, de luttes, de détestation, de duplicité et d’ego, comme de nos jours, mais aussi de grandeur, de dévouement au bien commun, d’honneur et de noblesse. Car ses acteurs savaient qu’ils auraient à rendre compte de leurs actes, non devant des électeurs versatiles mais devant Celui dont ils tenaient leur pouvoir : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut » (Jésus à Pilate, Évangile selon saint Jean).

Il n’est que de lire les mémoires ou instructions des hommes d’État et des princes de ces temps pour comprendre que, malgré les vicissitudes de l’exercice du pouvoir, il y avait chez eux une noblesse et une grandeur de la pensée, car il se savaient comptables devant infiniment plus grand qu’eux. « Dieu seul est grand, mes frères », avait proclamé Massillon, sous les voûtes de la Sainte Chapelle, en ouverture de l’oraison funèbre de Louis XIV que l’on avait nommé Louis le Grand. Et Saint Louis, lorsqu’il avait apporté la couronne d’épines à Paris, avait ôté la sienne propre, tant il estimait indécent de porter une couronne d’or devant celle de son Sauveur faite d’épines acérées.

Servir avec humilité

Il y avait dans l’exercice de la souveraineté une mise en perspective qui appelait à l’humilité du service. Écoutons donc leurs voix nous parvenir au travers des siècles :

« Je promets aussi de faire justice, selon ses droits, au peuple qui nous est confié » (Hugues Capet, 987-996).

« Souvenez-vous mon fils, et ayez toujours devant les yeux que l’autorité royale n’est qu’une charge publique, dont vous rendrez un compte très exact après votre mort » (Louis VI à son fils, 1081-1137).

« Je voudrais beaucoup que tu te gardasses de folles dépenses et de mauvaises recettes, et que tes deniers fussent bien dépensés, et bien reçus » (Saint Louis, 1226-1270, à son fils, propos si actuels !).

« Nous qui voulons toujours raison garder » (Philippe IV, 1285-1314).

« Quand Justice règne en un royaume, le bien commun est bien gardé et aussi le particulier » (Louis XI, 1461-1483).

« Il faut que certains veillent pour que d’autres puissent dormir à l’abri de leurs veilles » (Richelieu, 1585-1642).

« On ne peut pas douter que l’une des plus dangereuses habitudes que puissent former les princes ne soit celle de beaucoup parler » ! (Louis XIV à son fils, 1643-1715).

« La tyrannie, qui est l’abus de la force, est essentiellement faible. Au contraire, la justice est vivifiante et communique aux États le mouvement et la fécondité » (Louis XVI, 1774-1793).

Peut-être est-ce dans les écrits de De Gaulle que l’on retrouve une semblable inspiration : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Ce qu’il y a en moi d’affectif imagine naturellement la France… comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. » D’autres ne rêvent que du Berlaymont à Bruxelles et de martingales politiciennes. Comment s’étonner que les Français, enquête après enquête, accordent si peu de confiance aux lilliputiens qui s’agitent sur notre scène politique ? Qu’ils se méfient, « quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir », remarquait Rivarol. Allons, en ce temps de Pâques, rappelons-nous que si l’Espérance est à Dieu, l’espoir appartient aux hommes !

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Et mon préféré, Jean II le Bon (1350-1364) : « Quand la bonne foi aura disparu de la terre, on pourra la retrouver dans le coeur des rois ». Superbe!

  2. « — « On ne peut pas douter que l’une des plus dangereuses habitudes que puissent former les princes ne soit celle de beaucoup parler » ! (Louis XIV à son fils, 1643-1715). »
    Celle-là, elle esdt atriullée surf mesure pour Emmanuel premier!

    Emmanuel, Emmanuel… (sur l’air qui va bien à la nudité dans laquelle il laissera la Nation le jour où il sera enfin jeté!)

  3. «  »Une société irriguée et élevée par la foi … » Diantre, dans quel monde vit-il le Stéphane ? ça fait des lustres que le mot « société » ne signifie plus rien, tant il y a d’hétérogénéité . De là à l’irriguer par la foi (?), douce utopie !

  4. Il est temps que le peuple cesse d’obéir a ceux qui nous gouvernent aujourd’hui. Il obéira a nouveau quand il aura trouvé son sauveur. Ce n’est pas pour demain malheureusement.

  5. Merci monsieur Buffetaut de nous rappeler ces belles paroles de nos Rois. L’être humain restera toujours ce qu’il est avec ses qualités et ses défauts… « Quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir », l’Histoire est là pour le prouver ! Il n’y a que la grandeur d’âme, le désintéressement et l’humilité qui transcendent en effet et qui ont le pouvoir d’élever les humains au-dessus des bassesses de la facilité. Une prise de conscience peut-elle avoir lieu ?..

    • Voui, tout ça est bel et bon… mais c’était il y 10 siècles ! Fini aujourd’hui ces principes chevaleresques

    • Je crois que Joseph de Maistre disait « l’injustice est la pratique de l’athéisme » , pour moi une
      bonne synthèse de ce qui précède…

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