Pour changer l’école, la solution de Gaby Cohn-Bendit : s’inspirer de Mai 68 !

Jean-Gabriel Cohn-Bendit refait parler de lui : le fondateur du lycée expérimental de Saint-Nazaire, qui a fréquenté, jeune et moins jeune, les milieux anarchistes et l’extrême gauche, avant de se rallier au Parti socialiste, puis aux Verts, et d’appeler, comme son frère, à voter Macron, déclare, dans une tribune du Huffington Post, que "pour changer, l'école d'aujourd'hui ferait bien de s'inspirer de Mai 68". Il conspue les conservateurs qui déplorent que l’autorité soit morte en 1968 et que l’école se meure.

Las ! Ce "pédagogue dissident", comme il se désigne lui-même, cède aux excès des fanatiques qui ne doutent jamais d’avoir raison, découvrant – quelle originalité ! – que le fondement de la pédagogie, c’est de donner envie d’apprendre et que les jeunes aiment faire des efforts pour "ce qui a du sens pour eux". Donner du sens à l’école : le sésame qui ouvre les portes de la réussite, la formule magique qui revient, depuis des décennies, dans la plupart des rapports consacrés à l’enseignement – avec les résultats que chacun peut mesurer ! Car, c’est bien connu, auparavant, l’école n’avait pas de sens.

Il prête à ceux qui ne partagent pas ses conceptions sa vision manichéenne du monde. Si l’on n’est pas progressiste, on est forcément un horrible réactionnaire. Il égratigne, au passage, Jean-Pierre Chevènement, "le ministre de l'Éducation le plus conservateur que la France ait connu depuis la Libération", et Jean-Michel Blanquer, qui suivrait la même voie. Il vilipende l’influence d’Éric Zemmour, d’Alain Finkielkraut, de Natacha Polony et leur "discours de fermeture identitaire", leur préférant les Pierre Bourdieu, Jean-Paul Sartre et autres penseurs de gauche qui ont bercé sa jeunesse – et bien profité du système avant de le critiquer.

Il se moque des grincheux qui veulent rétablir l’autorité à l’école, soulignant – ce qui est une évidence – que toute autorité repose sur l’adhésion, mais se gardant de préciser qu’on n’est pas obligé de tomber dans la démagogie ni dans l’autoritarisme pour l’assurer. Tout professeur quelque peu compétent sait que, pour intéresser ses élèves, il faut susciter leur étonnement et leur curiosité. Il varie sa pédagogie pour l’adapter en permanence à ses classes, sans a priori dogmatique, passant, en fonction des sujets et des réactions de ses élèves, de méthodes actives, où les élèves participent à la découverte du savoir, à des méthodes plus directives, ou encore mêlant les deux approches.

Notre pédagogue se moque de ceux qui veulent rétablir "la dictée, le calcul et ses problèmes de trains qui se croisent et de robinets qui remplissent des baignoires qui se vident" : "L'école d'hier, avec ses dictées et questions, n'apprenait pas mieux à écrire que celle d'aujourd'hui où la dictée tient, hélas, toujours une place importante", affirme-t-il. Il ignore, sans doute, que les professeurs ne l’ont pas attendu pour varier leurs exercices, qu’ils sont animés par l’amour du savoir et de sa transmission et que la dictée traditionnelle a ses vertus, comme les problèmes de robinets qui fuient ou de trains qui se croisent.

Jean-Gabriel Cohn-Bendit a le droit d’être un activiste politique, au demeurant versatile, il a le droit d’être nostalgique de Mai 68, on veut même bien lui reconnaître sa sincérité – qui ne garantit pas la justesse du jugement. Mais qu’il s’abstienne de se prendre pour un prophète de la pédagogie et de vouer aux gémonies ceux qui ne partagent pas ses positions ! Rien n’est plus dangereux que ces maîtres à penser qui estiment tout savoir et voudraient imposer aux autres leurs conceptions. Ils prétendent libérer les esprits alors qu’ils les enchaînent à leurs préjugés et sont eux-mêmes prisonniers de leurs certitudes.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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