Avant la construction d’un ouvrage d’art, public ou privé, les lois et règlements en vigueur imposent de réaliser des fouilles archéologiques préventives. Ce fut le cas, en août dernier, au Châtelet-sur-Retourne (Ardennes), à l’occasion de la construction de silos agricoles. L’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a mis au jour, sur ce site, une petite nécropole de quatorze corps. Quatorze poilus appartenant aux 6e, 7e et 9e bataillons d’infanterie coloniale du Maroc. Parmi eux, le capitaine Marie Jean Fernand Étienne Broch d’Hotelans (1879-1914), mort avec ses hommes le 1er septembre 1914. Tous ont été fauchés par un ou plusieurs obus allemands.

Ils ont été retrouvés 106 ans après leur décès. Ils font surtout partie des 300.000 disparus de la Grande Guerre dont les corps reposent en terre française, mais aussi belge, turque ou au fond de l’océan. Le Soldat inconnu de l’Arc de Triomphe symbolise ce million et demi de morts pour la France, qu’ils aient une sépulture nominale ou pas. En ce début de guerre 14-18, les autorités militaires ne se souciaient guère du sort des morts qu’on enterrait a la va-vite près du champ de bataille. Seuls les officiers, quand on les retrouvait, avaient droit à une sépulture identifiée dans un carré militaire ou bien au sein du caveau familial. Il arrive aussi souvent que les soldats, quel que soit leur grade, « meurent deux fois ». La première fois sur le champ de bataille et une second fois lorsque la sépulture, individuelle ou commune, a été labourée par un tir de barrage d’artillerie.

C’est en partie ce qui explique qu’au gré des balades ou des fouilles, on redécouvre des squelettes que la science parvient maintenant à identifier grâce aux tests ADN, à condition toutefois qu’il existe des éléments mettant les historiens et les scientifiques sur la piste. C’est le cas avec le capitaine d’Hotelans et quatre de ses infortunés frères d’armes qui possédaient encore leur plaque d’identité et qui ont pu être identifiés à la fin du mois de décembre 2020. L’officier avait en plus sur lui sa médaille de baptême et une chevalière armoriée. Il avait aussi une descendance éloignée. Sans quoi, rien n’aurait été possible.

La guerre 14-18 se rappelle aussi à nous à travers les obus que de courageux démineurs ramassent chaque année. Rien qu’à Verdun, ce sont environ 53 millions d’obus qui se sont déversés sur la zone en dix mois, entre mars et décembre 1916 ; deux millions pour la seule journée du 21 février 1916. Les spécialistes estiment qu’environ un milliard d’obus sont tombés sur le sol français entre le 4 août 1914 et le 11 novembre 1918. Il faut aussi compter sur les munitions qui restent et qui ont été répandues dans les lacs, les rivières et les gouffres après la guerre. Ainsi, le lac d’Avrillé (Maine-et-Loire) a reçu sept millions de tonnes de munitions, dont quatre millions de grenades. Les opérations de dépollution sont très complexes et délicates, et au rythme auquel les démineurs vont, il faudrait 2.600 ans pour rendre au site son état originel. Avrillé n’est qu’un site parmi tant d’autres ! En 2001, au Châtelet-sur-Retourne, des ouvriers en charge d’un terrassement avaient découvert une cache de 8.000 obus et, à Vimy, ce sont 176 tonnes de munitions qui avaient été traitées… Enfin, les obus non récupérés se désagrègent et finissent par polluer les sols ainsi que les nappes phréatiques, avec des taux de plomb et de perchlorate élevés, principalement dans le nord et l’est de la France. On estime à 500 tonnes par an le nombre de munitions retrouvées en France. Une activité qui emploie 300 personnes rien qu’à la Sécurité civile !

Les Français n’en ont pas terminé avec la Première Guerre mondiale.

 

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02 janvier 2021 à 21:24

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