Campagne « au faciès » : François Ruffin lynché par les siens
Dans le registre du mépris de classe, il y avait eu les « sans-dents » de François Hollande. Mais les records étant par nature faits pour être battus, surtout en cette période post-olympique, bienvenue à Jean-Luc Mélenchon, qui se serait surpassé en la discipline, qualifiant, selon Jean-François Ruffin, l’électorat populaire de Marine Le Pen d’alcooliques obèses sentant mauvais et qui, dès lors qu’ils ont l’outrecuidance de parler, utiliseraient un sabir incompréhensible. En d’autres termes : vive la sociale ! Jean-François Ruffin, l’un des rares insoumis à n’être pas soumis aux Insoumis, a rendu la chose publique, ainsi que sa propre pratique de faire campagne électorale « au faciès » - le comble de l'ignominie, à gauche, normalement. Résultat ? Il est désormais une cible privilégiée du fan-club mélenchoniste.
Pour Aurélien Saintoul, député LFI des Hauts-de-Seine, la cause est entendue : « Ruffin n’est pas un camarade. » Quant à Danièle Obono, elle se satisfait d’un assez sobre : « C’est toi [Ruffin] la honte. » Thomas Portes n’est évidemment pas en reste, qui estime que « parler de campagne au faciès, c’est reprendre mot pour mot ce que dit l’extrême droite ». Une ancienne collaboratrice d'Antoine Léaument le prédit, sûre d'elle : « Cet homme finira à l’autre bout de l’échiquier politique. » Un certain Ismaël Youssouf-Huard propose de retourner sur le terrain plutôt que de discourir dans les médias. Il illustre son propos avec une photo de Mathilde Panot ayant partagé, une journée durant, le quotidien des éboueurs parisiens. Soit un « storytelling » digne d’un Valéry Giscard d’Estaing invitant les mêmes éboueurs à un petit déjeuner élyséen, le jour de la Noël, en 1974…
De la lutte des classes à celle des races
Pour tenter de comprendre la métamorphose d’un Jean-Luc Mélenchon, autrefois populiste et laïc de stricte observance, versant aujourd’hui dans le communautarisme le plus débridé, autant demander son avis à un ancien de la maison : Andrea Kotarac, lequel, le 14 mai 2019, à quelques jours des élections européennes, appelait à voter Marine Le Pen et rejoignait le RN dans la foulée. « Autrefois, Jean-Luc était un véritable populiste dont l’objectif était de fédérer l’électorat de la Somme, celui de François Ruffin, mais également celui des banlieues, entendant ainsi transcender les clivages de gauche et de droite. À l’époque, il n’avait pas de mots assez durs pour ceux qui faisaient commerce de "l’islamophobie". C’était avant qu’il n’appelle à défiler, en 2019, avec le CCIF [Collectif contre l’islamophobie en France, association dissoute un an plus tard, NDLR]. Depuis, il a abandonné le social pour le sociétal, faisant de même de la lutte des classes pour mener celle des races. »
Un choix relevant donc plus du marketing électoral que d’autre chose, comme semble le confirmer le tractage selon la couleur de peau ? Andrea Kotarac le confirme à BV : « À sa manière, Mélenchon est devenu ultralibéral dans sa façon de faire de la politique, ne raisonnant désormais plus qu’en termes de parts de marché, oubliant au passage que, finalement, il n’y a pas plus raciste que les antiracistes, tel qu’en témoigne son racisme à l’envers vis-à-vis du prolétariat de souche. Dire que c’est lui qui fut naguère, au sein du PS, l’un des opposants les plus virulents au think thank Terra Nova, lequel préconisait alors d’abandonner la classe ouvrière pour se concentrer sur les jeunes diplômés urbains, les minorités et les populations issues de l’immigration. » Un opposant qui a retourné sa veste, puisque « la carte électorale de LFI recoupe parfaitement celle conseillée par cette officine. » Problème : « Mélenchon perd aujourd’hui sur les deux tableaux, perdant le vote ouvrier, alors que dans le même temps, la France ultramarine, ces fameux "racisés", vote désormais RN ! »
Quant au destin de François Ruffin ? Andrea Kotarac, toujours : « Il va tenter de s’opposer en interne, mais Jean-Luc ne se laissera pas faire. Quand on a viré Alexis Corbières et Raquel Garrido, deux de ses historiques compagnons de combat, on peut dégager un François Ruffin… » Ersilia Soudais s'est d'ailleurs dite « soulagée qu'un homme qui n'a jamais rien compris aux luttes antiracistes ait quitté notre groupe parlementaire ». Voilà qui promet de beaux moments d’union de la gauche.
Non seulement ce que Ruffin dit est faux, mais à un moment il faut arrêter de parler et aller sur le terrain un peu.
J’aime pas alimenter la rupture mais faut pas abuser à un moment. pic.twitter.com/oUwgDrrz8p
— Ismaël Youssouf-Huard (@ismael_YH) September 11, 2024
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22 commentaires
Chaque « insoumis » qui voudra prendre un peu de liberté sera traité de la sorte. Petit doigt sur la couture du Short.
C’est ainsi que le terme d’ « insoumis » (perd (je dit bien : perd) tout son sens. Chez M. Mélanchon iln’existe que des « soumis ».
Vous voyez bien que le NFP, en train de se déliter jour après jour, est une supercherie, lequel mouvement a pourtant été majoritaire aux législative, comme un parti à part entière, alors que ce n’est qu’un conglomérat hétérogène!
L’hétéroclisme n’est jamais hétérogène. Un collégien même moyen sait cela ! Que dire alors des français qui ont voté NFP ?
Et si l’on y réfléchissait ? ne serait ce pas une tactique pour espérer pourquoi pas un poste de secrétaire d’état dans le futur gouvernement en se faisant passer pour un sage raisonnable et lucide, pour en fait tout simplement savoir tout ce qui se passe en dehors de l’AN , dans les coulisses des ministères ? Ils sont tellement tordus ces LFI que je n’exclue rien !!
Hier, il réunissait tous les ingrédients pour être détesté ; aujourd’hui, on est prêt l’aimer et demain, on l’adorera peut-être ! Ces politiques se rendent-ils compte que leur seule parole suffit à les rendre détestables ou aimables ? Et si c’était le discours de LFI que les Français détestent ?
Ruffin méprise davantage les classes populaires que Mélenchon ! Mélenchon ne leur impose pas son logiciel idéologique, il les ignore, tandis que Ruffin continue de les harceler.. Qu’est-ce qui est reproché à Ruffin par ses camarades marxistes : d’aller parler aux classes populaires. Qu’est-ce qui est reproché au RN par Ruffin et tous les autres politiques : d’écouter les classes populaires ! Tout est dit. Là est la différence entre les marchands de tapis de la politique qui parlent et vendent et les médecins de la politique qui écoutent et prescrivent.