Les bulles, les nouvelles monnaies et les crises qui nous attendent…
La bulle subprime était gonflée par une surabondance de monnaie, le « quantitative easing » décidé au lendemain du 11 septembre qui a vu l’avènement d’un nouveau type d’inflation : plutôt qu’une dépréciation immédiate de la monnaie, une poche d’actifs s’est fictivement appréciée sans raison intrinsèque. Jusqu’à son éclatement.
La réponse à la crise financière d’il y a dix ans a été de sauver le système en injectant massivement des liquidités. Cette manne fut distribuée sans contrepartie : ni « golden share » ni droit de regard sur la gouvernance des banques et compagnies d’assurance ainsi sauvées. Les normes comptables se sont volatilisées pour que la finance puisse, au moins sur le papier, tenter d’inspirer confiance. Puis, les établissements financiers ont résisté farouchement à toute tentative de régulation autre que cosmétique, refusant le retour à une séparation de type Glass-Steagall. Et ils ont réussi. Et, depuis, ils continuent de profiter des injections massives de liquidités, qui se poursuivent.
Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets ? C’est probable. Les bulles éclateront, elles sont faites pour ça. Les prix des actions ou de l’immobilier sont des arbres qui tentent de monter jusqu’au ciel, et les valorisations des immeubles et les capitalisations boursières des entreprises sont des baudruches qui se dégonfleront.
Consécutivement, les dettes qui les financent seront en partie en défaut, et les investisseurs qui les portent seront nus. Mais les finances publiques sont exsangues, et il serait douteux que, tel Zorro, les États puissent venir à la rescousse des investisseurs mis en danger par cet éclatement futur, en premier lieu les banques. Gaël Giraud, dans son chapitre 2 d’Illusion financière, a mis en évidence cette dépendance entre les établissements de crédit et leurs garants, les États, pris en otages par la finance. Il file la métaphore de deux nageurs attachés l’un à l’autre par un fil élastique et condamnés à se noyer tous les deux ensemble. In fine, c’est le contribuable qui boit la tasse derrière l’institut d’émission et le pouvoir régalien.
Des financiers gagneront, peut-être même ont-ils déjà gagné. Les banques investissent massivement dans les technologies liées à la création de monnaies cryptographiques, nouvelles et indépendantes de tout pouvoir régalien, comme le Bitcoin ou l’Ether. Elles sont peut-être le plan B de cette finance qui permettra de s’affranchir de l’intrusion du politique dans la monnaie et qui s’imposera comme le deus ex machina de la prochaine crise. Instrument des échanges, étalon des valeurs et réserve des valeurs : si un consensus d’ordinateurs reliés entre eux faisant tourner une série d’algorithmes publics permet à ces monnaies nouvelles d’assumer ces trois fonctions mieux que ne le font des États ou des banques centrales, pourquoi pas ? Des États se sont, dans le passé, montrés indignes de confiance, et la monnaie reste fondamentalement une créance.
Les trois questions pertinentes et dérangeantes à se poser seraient dès lors : quelle gouvernance doit présider à la maintenance des algorithmes qui gèrent chaque monnaie cryptographique, comment s’assurer qu’elle ne sert pas d’autres intérêts que la fluidité des échanges et la préservation de la partie liquide des patrimoines et, surtout, comment éviter que la criminalité (des personnes physiques ou morales ou d’un État lui-même) ne prospère encore plus du fait de l’absence de régulateurs investis d’un pouvoir régalien ? Je n’ai pas de réponse. J’ai pourtant l’intuition qu’elles sont cruciales pour que ces monnaies futures deviennent un bien commun. Ou de nouvelles crises suivront…
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