Bolivie : la rue et l’armée provoquent la chute du président socialiste Evo Morales

Evo Morales

L’élection présidentielle du 20 octobre dernier aura été l’élection de trop pour le président amérindien Evo Morales, au pouvoir depuis 2006. Pour ceux qui suivent régulièrement l’actualité du continent sud-américain, il faut cependant remonter à 2016 pour voir les prémices d’une progressive rupture entre Morales et son peuple. En cause sa volonté de supprimer à son profit la limitation du nombre de mandats. En septembre 2015, l’Assemblée nationale, sous ses directives, approuvait largement cette modification constitutionnelle que le peuple rejetait par 51,30 % des voix lors du référendum de février 2016 !

Les annonces contradictoires du résultat de l’élection présidentielle du 20 octobre (un second tour a été d’abord annoncé puis infirmé avant la proclamation de la réélection du président Morales), la démission du vice-président du Tribunal supérieur électoral, Antonio Costas, allaient provoquer la plus grave crise économique, sociale et politique de ce pays depuis de très nombreuses années. Grève générale, manifestations et affrontements entre partisans et opposants de Morales se succédaient, jour après jour, dans les principales villes du pays, avec un bilan de 3 morts et 383 blessés.

L’audit déclenché par l’OEA (Organisation des États américains) dénonçait ce que chacun subodorait, à savoir de très nombreuses irrégularités lors du scrutin du 20 octobre, et en demandait l’annulation... Dimanche 10 novembre, Evo Morales annonçait aussitôt non seulement le renouvellement des membres du Tribunal électoral mais aussi la tenue, sans donner de date, d’une nouvelle élection présidentielle. Une annonce cependant trop tardive qui, loin de calmer la détermination de ses opposants, l’amplifiait. Dans un climat insurrectionnel où la maison du président de l’Assemblée nationale était incendiée, de nombreux ministres, députés et soutiens de Morales démissionnaient en cascade.

Le coup de grâce allait être donné par l’armée jusque-là attentive à la situation : « Après avoir analysé la situation de conflit interne, nous demandons au président de renoncer à son mandat présidentiel, permettant ainsi la pacification et le maintien de la stabilité, pour le bien de notre Bolivie », déclarait le général Williams Kaliman. Une « suggestion » pour « pacifier le peuple de Bolivie » également émise, peu de temps après, par le commandant général de la police, le général Vladimir Yuri Calderón. À leur tour, les milieux économiques lâchaient le premier président amérindien de Bolivie.

C’est donc à 16 h 50, dans une vidéo depuis la ville de Cochabamba, accompagné de son vice-président, Álvaro García Linera, qu’Evo Morales annonçait sa démission après « treize ans, neuf mois et 18 jours » au pouvoir, depuis son entrée en fonction le 22 janvier 2006.

Il annonçait également, fort d’un réel bilan économique non négligeable, qu’il n’avait pas l’intention de se réfugier à l’étranger car « je n’ai rien volé », ajoutait-il ! Victime d’abord et avant tout de sa dérive autocratique, il dénonçait, dans une formule qui veut tout dire, « un coup d’État civique » (golpe cívico) ! Avec l’annonce de cette démission, Cuba et le Venezuela de Maduro perdent leur plus indéfectible soutien en Amérique latine.

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Jean-Marie Beuzelin
Écrivain et journaliste

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