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La tentation est grande – tout au moins dans l’éther coloré des rêveries solitaires –, pour tout bibliophile et amoureux de l’écrit, de consigner dans un seul livre l’intégralité du savoir humain. Ce « Livre » majuscule que l’on emporterait partout, en tout lieu, avec soi, serait, ultima ratio, ce viatique inestimable, compagnon hypothétique de non moins virtuels exils insulaires… La Bibliothèque du jeune Européen serait de ces compendiums qui, avec la Bible et deux ou trois philosophes, mériterait que l’on sacrifiât sa bibliothèque pour partir sur le front des méditations, sinon des contemplations, voire des dialogues intérieurs.

Fruit du travail d’une quarantaine d’auteurs, cette bibliothèque idéale pose des jalons essentiels pour quiconque veut penser le monde. Deux cents notices extirpant la substantifique moelle de deux cents œuvres – ici, principalement des essais auxquels ont été adjoints certains écrits fondateurs des mythologies européennes, tels l'Iliade d’Homère, l'Edda de Snorri Sturluson, la Divine Comédie de Dante, Le Cid de Corneille, Faust de Goethe ou Hamlet de Shakespeare…

Remarquablement didactique, l’ouvrage est découpé en une quinzaine de chapitres prétendant couvrir à peu près tous les champs de la connaissance européenne en histoire, en science, en religion, en morale en économie, en politique, etc. Chaque notule est précédée de quelques repères biographiques pour se terminer par d’utiles orientations bibliographiques invitant, ainsi, le lecteur à poursuivre plus avant la lecture d’une œuvre déjà bien introduite.

Toutefois, pourquoi diable ! destiner, a priori, ce livre aux « jeunes » Européens ? L’on se méprendrait pourtant sur un titre à plusieurs entrées, ainsi que s’en expliquent, clairement, Alain de Benoist et Guillaume Travers, les maîtres d’œuvre : « “jeune”, le lecteur doit l’être par l’esprit plus que par l’âge, se montrant ouvert à des auteurs parfois négligés. Il doit surtout l’être par le refus de la paresse intellectuelle et du conformisme qui sont aujourd’hui si présents. Un travail urgent pour la jeunesse est aujourd’hui d’apprendre à penser. » Voilà de quoi dissiper les équivoques pour les plus rétifs. Reconnaissons, tout de même, que la jeunesse, au sens littéral du terme, trouvera dans cette petite encyclopédie appelée à devenir un classique les références nécessaires pour apprendre à penser.

Pour les plus anciens, cette bibliothèque peut utilement être comparée au monumental Vu de droite – sous-titré « Anthologie critique des idées contemporaines » – qui valut à son auteur, le philosophe Alain de Benoist, d’être distingué par l’Académie française qui lui décerna, en 1978, le Grand Prix éponyme de l’Essai et qui allait déboucher aussi sur l’invraisemblable campagne de presse qui assurerait à la « Nouvelle Droite » la notoriété que l’on sait. Il y a plus de quarante, déjà, l’enjeu était non seulement d’occuper le terrain culturel – sans quoi toute conquête politique est condamnée au platonisme stérilisant – mais encore de renouveler une pensée de/à droite oscillant entre conservatisme bourgeois, passéisme réactionnaire et nostalgie contre-révolutionnaire.

Quarante ans plus tard, La Bibliothèque du jeune Européen apparaît, certes comme le successeur naturel, considérablement rajeuni et réactualisé de son magistral devancier, mais aussi et surtout – malheureusement, ajouterait-on – comme l’inventaire paradoxal – avant liquidation ? – de l’effondrement de la pensée. Benoist et Travers relèvent, en effet, que « la transmission est en crise : non seulement la transmission des grands auteurs et des grandes œuvres, mais aussi la transmission de la capacité même à penser. Le malaise qui en résulte est patent, et au cœur de la crise identitaire qui saisit aujourd’hui l’Europe : comment affronter sereinement l’avenir quand les grands récits fondateurs et l’Histoire ont été oubliés, que les cadres de pensée ont été déconstruits ? »

C’est dire qu’il y a grande urgence ! Un livre de salubrité publique intellectuelle pour méditer et agir.

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09 novembre 2020 à 18:15

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