Le bal macabre des antiracistes

Le carnaval de Dunkerque est sans doute un des plus anciens et des plus populaires. Les associations de carnavaleux sont de véritables confréries, avec leurs rites, leur hiérarchie, leurs chants et, surtout, leur déguisement. L’une d’elles s’appelle « Les Noirs » parce qu’elle se déguise en Africains, d’une Afrique d’opérette inspirée par la Revue nègre de Joséphine Baker de 1925.

Tous les cinq ans, depuis cinquante ans, cette association organise un « bal des noirs » pendant le carnaval, en faveur de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer), ô combien importante dans une ville portuaire comme Dunkerque. Cette année, ce bal s’est attiré les foudres d’une obscure association baptisée « Brigade Anti Négrophobie » qui voit dans cette tradition du racisme anti-noirs.

Comme dans les « affaires » Griezmann ou Miss France, les racistes ne sont pas en réalité les accusés mais les accusateurs. L’esprit du carnaval est transgression, d’abord transgression de ce qu’on est, socialement ou naturellement. On ne se déguise pas en ce qu’on déteste, pour s’en moquer, mais en ce qu’on aimerait, plus ou moins consciemment, être. Se déguiser, se masquer, c’est aussi devenir autre et ainsi apprivoiser l’autre dans ce qu’il peut avoir d’angoissant pour nous, et accepter au final de n’être que nous. Pour le dire plus simplement, la petite fille qui se déguise en princesse n’est pas une républicaine abhorrant la noblesse.

Voir dans ce déguisement une moquerie raciste est la conséquence d’une façon de voir le monde structurée par la race. C’est une névrose au sens propre du terme, parce que la réalité française n’est pas raciste. À Dunkerque comme ailleurs en France, les Noirs fréquentent les mêmes écoles que les autres enfants ; à Dunkerque comme ailleurs en France, les Arabes fréquentent les mêmes clubs de sport que les autres sportifs ; à Dunkerque comme ailleurs en France, les Asiatiques fréquentent les mêmes magasins que les autres clients. À Dunkerque, en particulier, les bandes accueillent tous les carnavaleux, quelles que soient leur couleur de peau (naturelle ou non) ou leur croyance.

Les talibans de l’antiracisme excipent de la tradition du « black face » aux États-Unis, où cette pratique est clairement raciste. Mais Dunkerque n’est pas en Amérique. La tradition à laquelle se rattache ce déguisement et ce bal n’est pas le « black face » mais la Revue nègre. Et cette revue n’était pas destinée à se moquer des Noirs mais a permis à la culture noire, en particulier le jazz, de se répandre à toute la France. Le contraire même du racisme.

En ignorant la culture française, ces prétendus antiracistes montrent à quel point ils sont déracinés, sans plus de profondeur culturelle qu’un film de James Cameron. En cela, ils rejoignent les pourfendeurs des crèches, adeptes d’une laïcité universelle sans saveur, sans odeur, sans couleur. C’est que le goût de la France, ses parfums, ses nuances, ils ne peuvent y être sensibles. Ils habitent en France mais la France ne les habite pas.

PS : le bal doit se dérouler le 25 mars au Kursaal de Dunkerque. Les billets d’entrée sont en vente exclusivement auprès de l’association « Les Noirs ».

Pierre Van Ommeslaeghe
Pierre Van Ommeslaeghe
Professeur de philosophie

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