Le drame d’Annecy a déjà fait couler beaucoup d’encre. Passé les larmes, le choc et même l’admiration pour Henri, le jeune homme qui a tenté d’arrêter l’assaillant dans sa course meurtrière, restent les questions. Aurait-on pu éviter cette attaque ? Quelles en sont les causes ? À droite, la réponse est sans appel. « L’immigration incontrôlée tue », assume Olivier Marleix, chef de file des Républicains à l’Assemblée, sur son compte Twitter, quelques heures après l’agression. Éric Zemmour et Marine Le Pen partagent le même sentiment et accusent le laxisme migratoire. Même dans les rangs de Renaissance, le député Charles Sitzenstuhl appelle, dans les colonnes du Figaro, à « réduire l’immigration légale en France ». L’extrême gauche, elle, crie à la récupération. Pourtant, cette attaque est bien une conséquence de la faillite de notre politique migratoire.

La faillite du contrôle des frontières

L'agresseur présumé d'Annecy, Abdelmasih H., né en 1991, a quitté la Syrie après le déclenchement de la guerre en mars 2011. Selon Le Monde, cet ancien militaire de l’armée syrienne se serait d’abord rendu en Turquie, où il aurait rencontré celle qui deviendra par la suite son épouse. De là, le couple se serait envolé vers la Suède pour y demander l’asile en 2013. Ayant obtenu le statut de réfugié, Abdelmasih H. et son épouse bénéficient alors d’un titre de séjour jusqu’en 2025. Mais lui souhaite davantage : il veut obtenir la nationalité suédoise. Après avoir essuyé plusieurs refus, il quitte sa femme et sa fille de trois ans et décide de partir pour la France. Arrivé fin octobre 2022, il dépose une nouvelle demande d’asile auprès de l’OFPRA, enregistrée le 8 novembre 2022. Une demande finalement rejetée le 26 avril dernier au motif qu’il possède déjà le statut de réfugié en Suède. La réponse sera notifiée au principal intéressé le 4 juin, soit quatre jours avant l’attaque.

Mais Abdelmasih H. avait-il le droit de voyager et de séjourner en France ? La réponse est non, selon François-Xavier Bellamy, interrogé sur France Info. Malgré son statut de réfugié et en dépit des accords de Schengen - qui permettent la liberté de circulation entre les États membres de l'UE et nous rendent donc impuissants à contrôler les frontières de nos pays -, l’assaillant n’avait pas l’autorisation de séjourner depuis plusieurs mois en toute liberté en France. « Un refugié ne peut quitter son pays d’accueil et circuler dans d’autres pays européens que pour deux raisons très strictes : le regroupement familial et la demande d’un emploi », explique l’eurodéputé. Ces deux conditions n’étaient manifestement pas remplies dans le cas d’Abdelmasih H.

Pour voyager au sein des États membres, l’assaillant devait au préalable demander à la Suède un titre de voyage pour réfugiés (TVR). L’a-t-il fait ? Nous ne le savons pas encore. Quand bien même il aurait obtenu ce titre, il n’était autorisé à rester de façon continue que trois mois sur le sol français. Autrement dit, arrivé fin octobre, il aurait dû quitter le territoire national fin janvier. Abdelmasih H. n’aurait donc pas dû se trouver en France au mois de juin... à moins qu’il n’ait effectué plusieurs allers-retours sur cette période. Une première faille.

Deuxième faille, les délais de traitement de la demande d’asile de l’assaillant. Déposée en novembre et rejetée fin avril, cette demande d'asile paraissait irrecevable dès le début. Abdelmasih H. venait de Suède - où il avait obtenu un titre de protection - et non de Syrie. Il n’était donc pas en danger. Son dossier aurait donc pu - en apparence - bénéficier de la procédure accélérée de l’OFPRA (15 jours) dès le mois de novembre.

Détournement du droit d’asile

À ces premières interrogations qui révèlent les faillites de notre modèle migratoire et de nos capacités de contrôle s’ajoute le problème du dévoiement du droit d’asile. Troisième faille. Comme le note Olivier Marleix, après avoir dépassé la barre du million de demandes d’asile en 2015 et 2016, les pays de l’Union européenne stabilisent ces chiffres, aujourd’hui, autour de 900.000 demandes chaque année. Une situation « hors de contrôle », selon le député. La demande d’asile est devenue une filière d’immigration comme une autre qui permet à de nombreux migrants de s’établir définitivement dans un pays membre de l'UE malgré le rejet de leur requête.

Que l’assaillant ait obtenu son statut de réfugié en Suède n’a rien d’étonnant. En vingt ans, dans ce royaume longtemps préservé de l’immigration, la part de la population non occidentale est passée de 2 % à 15 %, souligne la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) dans un rapport. La Suède est même aujourd’hui en tête des pays d’Europe occidentale qui acceptent le plus de demandeurs d’asile par habitant. Au nom de la générosité et de l’accueil de la différence, le pays a dépensé des millions pour intégrer ces populations exogènes. Et alors que pendant des années la Suède brandissait la France et les émeutes de 2005 comme contre-modèle de l’intégration, le pays se retrouve aujourd’hui empêtré dans un échec d’intégration et une hausse de la criminalité, note la Fondapol. En Suède comme en France, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il existe d'autres modèles. En Europe, le Danemark ou le Portugal, par exemple, ont su se mettre à l'abri de la déferlante migratoire.

Cette attaque sur des enfants doit servir de leçon aux pays européens. Déjà, les Républicains réitèrent leur proposition de voir les demandes d’asile traitées hors de l’Union européenne. Une idée plaidée sans relâche par les conservateurs anglais, notamment le Premier ministre Rishi Sunak, qui souhaite diriger vers le Rwanda les migrants et demandeurs d'asile souhaitant se rendre au Royaume-Uni. Le drame d'Annecy secoue les consciences.

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09 juin 2023 à 23:39

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48 commentaires

  1. J’ignorais que la France était un pays de droit….enfin peut-être encore pour les citoyens ordinaires….quoique…quand on constate qu’une personne chez laquelle s’introduit un cambrioleur parvient à retenir celui-ci jusqu’à l’arrivée des policiers et qu’il écope d’une plus lourde peine que le voleur….on peut se poser la question !

  2. « faillite de notre politique migratoire » : non pas la notre mais uniquement celle voulue par Macron.
    Ce Syrien est suivant notre système judiciaire présumé innocent, même s’il a été filmé couteau à la main. Et notre acquittador ministre va bien lui trouver des circonstances atténuantes, comme une enfance malheureuse, et demander son acquittement. Et puis finalement ce syrien a obtenu ce qu’il voulait: il ne sera pas expulsé vers son pays.

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